Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon participent à un débat télévisé entre les cinq principaux candidats à la présidentielle 2017 sur le plateau de TF1 le 20 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

A situation inédite, débat inédit. Jamais une telle confrontation entre candidats à la présidentielle n’avait eu lieu avant le premier tour. Mais à cinq, malgré plus de trois heures de direct, il n’est pas sûr que les Français qui l’auront suivi y voient plus clair dans cette campagne pleine de rebondissements tant une foultitude de thèmes auront été abordés, en quelques minutes parfois.

Première singularité de ce débat : alors que la campagne a été émaillée de scandales judiciaires dans une proportion jamais vue lors d’une présidentielle, la question des affaires a été à peine effleurée. Au grand soulagement sans doute de François Fillon et de Marine Le Pen, tous deux aux prises avec la justice.

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Autre constat : alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que les quatre autres candidats concentrent leurs attaques sur Emmanuel Macron, figure montante de ce combat, il n’en a rien été. Le leader d’En marche, s’est effacé tout seul. Discret sur les questions de société, un peu plus alerte sur l’économie, l’emploi et la fiscalité, des dossiers qu’il maitrise mieux, il n’est sorti de sa réserve que pour répondre aux attaques de Marine le Pen ou de celles de Benoit Hamon sur son rapport à l’argent.

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Les orateurs avantagés

Plutôt à l’aise dans la riposte, il l’a moins été dans l’explication de son projet. Emmanuel Macron semble avoir été prisonnier de son positionnement, ni à droite ni à gauche, distribuant les bons points aux uns et aux autres selon les sujets. Une volonté d’apparaitre pragmatique qui lui a fait prendre le risque d’être flou.

Il également, à l’évidence, payé son manque d’expérience dans ce genre d’exercice. Car à cette joute oratoire que sont les débats télévisés, ce sont les orateurs les plus percutants et les plus entrainés qui ramassent généralement la mise. Marine Le Pen, en dépit des erreurs factuelles, des contrevérités et des approximations que ses adversaires n’ont pas manqué de souligner, a déroulé son programme avec énergie, brutalité et efficacité pour consolider le socle de ses partisans. Elle n’a pas dévié de sa ligne : immigration, insécurité, attaques contre l’Europe, et elle ne s’est guère laissée destabiliser par ses compétiteurs.

Jean-Luc Mélenchon, connu lui aussi pour ses talents de tribun, a fait de même, ponctuant ses démonstrations de quelques bons mots dont il a le secret. Une utilisation de l’humour à double tranchant : s’il a fait rire, il n’est pas parvenu à installer l’image d’un présidentiable capable de l’emporter. Ces deux-là ont incontestablement dominé le débat sur la forme.

Condescendance et stature

Benoît Hamon, moins rompu à l’exercice, a été plutôt habile, bien qu’inégal selon les thèmes. En perte de vitesse dans les sondages, le candidat issu de la primaire de son camp a tenté de grapiller des voix à gauche en s’attaquant tour à tour à Emmanuel Macron sur l’argent, à Marine Le Pen sur l’immigration et à Jean-Luc Mélenchon sur Poutine et la Russie. Bien que soucieux de précision, il s’est attiré les sourires des autres candidats notamment ceux de François Fillon à la limite de la condescendance.

L’ancien premier ministre, qui avait marqué des points sur ses concurrents lors des débats de la primaire à droite, a tenté de réutiliser la recette de son succès : se poser en seul candidat ayant véritablement la stature d’homme d’Etat responsable. Il a notamment insisté sur le sérieux de son programme économique face à des postulants qu’il a accusé d’être déconnectés des réalités en assumant sa posture de père la rigueur. Mais en quelques mois, il a perdu de son aplomb.

Stratégie de l’évitement

En retrait pendant toute la première partie du débat, il a souvent manqué de pugnacité. Soucieux de prendre le moins de risque possible et de laisser les candidats de gauche s’écharper entre eux, il est peu souvent arrivé à s’imposer dans les duels. Mais il a évité les pièges sur les questions épineuses pour lui comme les affaires et ses positions controversées sur de nombreux sujets de société. Cette stratégie du dos rond ne lui aura probablement pas fait perdre de soutiens à défaut d’en avoir convaincu de nouveaux.

Sur le fond, peu de surprises et pas de propositions nouvelles. Chacun est resté dans son couloir : François Fillon en partisan de la rigueur et du libéralisme, insistant sur son « expérience », Marine Le Pen sur ses thématiques habituelles s’attaquant au « système », et les deux candidats de gauche Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon, souvent d’accord, qui se sont évertués à défendre leurs différences pour tenter de sortir du coude à coude qui se joue entre eux dans les sondages.