François Fillon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Benoît Hamon, lors du débat sur le plateau de TF1, lundi 20 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Editorial du « Monde ». On attendait beaucoup du débat organisé à la télévision, lundi 20 mars, entre les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle. Et pour cause. Un mois avant le premier tour de scrutin, rarement campagne aura paru aussi confuse, parasitée par les affaires judiciaires qui touchent les candidats de la droite et de l’extrême droite, incapable d’éclairer les Français sur les enjeux essentiels pour l’avenir du pays. Alors que l’indétermination des électeurs atteint des niveaux inédits – un tiers d’entre eux ne sont pas certains d’aller voter et la moitié des autres ne sont pas sûrs de leur choix –, il devenait urgent, en effet, d’engager le débat national.

On en attendait donc beaucoup. Trop, sans doute. Certes, la confrontation des principaux postulants à l’Elysée a permis d’affirmer tempéraments et personnalités. Le Républicain François Fillon, sobre, cohérent, expérimenté, mais à l’évidence empêché d’être à l’offensive tant sa posture d’homme de rigueur et d’effort a été discréditée par ses démêlés judiciaires. Le socialiste Benoît Hamon, concret, pédagogue et sincère dans ses convictions, mais bien irénique. Le centriste Emmanuel Macron, novice, tour à tour incisif et fragile, mais trop soucieux de ménager son électorat composite pour imposer une vision nette. L’insoumis Jean-Luc Mélenchon, chevronné et mordant, mais trop lyrique pour être réaliste. La frontiste Marine Le Pen, enfin, sûre d’elle-même mais toujours aussi peu crédible sur ses choix économiques, arrogante au point de contredire l’image « apaisée » qu’elle cherche à construire depuis des mois.

Petites piques et oppositions de fond : les moments forts du premier débat présidentiel
Durée : 04:52

De même, chacun a pu confirmer le choix qu’il entend incarner. La rupture nationaliste, xénophobe et antieuropéenne pour la candidate du FN. La rupture libérale et conservatrice pour M. Fillon. La rupture social-libérale, ouverte au monde et résolument européenne chez M. Macron. L’option socialiste-écologiste de M. Hamon, en rupture avec les infidélités supposées du quinquennat hollandais aux valeurs de la gauche. Enfin, la rupture radicale et la « révolution citoyenne » de M. Mélenchon.

Plus frustrant que convaincant

Mais au-delà de ces confirmations, le débat de lundi aura été plus frustrant que convaincant. Tout d’abord, après des semaines de révélations et de controverses sur les manquements à la loi de M. Fillon et de Mme Le Pen, il est tout de même singulier que la question de la probité en politique ait été si pudiquement évacuée. Les Français peuvent légitimement avoir le sentiment que chacun a préféré, en la matière, mettre la poussière sous le tapis.

Ensuite, à vouloir embrasser trop de sujets, le débat n’a pas permis de les bien étreindre. Il s’est ainsi le plus souvent résumé à la juxtaposition de prises de position lapidaires, parfois réduites à la simplicité voire à l’indigence d’un slogan, sans permettre de confrontation un tant soit peu approfondie, ni un droit de suite sérieux. L’on redoute ce qu’il en sera lors des deux autres débats programmés avec les onze candidats.

Enfin, en dépit de toutes les désillusions passées, il est stupéfiant de constater combien fonctionne encore et toujours, à l’approche d’une présidentielle, la machine à lancer les promesses les plus mirobolantes et coûteuses. Lundi soir, l’argent public a coulé à flots, sans que l’on sache d’où il pourrait bien sortir. C’était « open bar » à l’Elysée ! L’on peut douter que cela contrebatte la défiance des Français à l’égard des responsables politiques.