Raid aérien dans le quartier de Jobar, à Damas, le 20 mars. | AMER ALMOHIBANY / AFP

Les jours se suivent et se ressemblent à Damas. Pour la deuxième fois en moins de trois jours, une coalition rebelle a lancé, mardi 21 mars, un nouvel assaut contre les forces gouvernementales dans l’est de la capitale.

Si l’attaque n’a rien de « l’offensive qui vise le cœur du régime », tel que l’ont claironné ses initiateurs aux premières heures des combats, le kilomètre qu’elle vise pourrait peser lourd sur l’avenir des enclaves rebelles de l’est de l’agglomération de Damas à la veille de l’ouverture, à Genève, d’un nouveau round de négociations intersyriennes sous l’égide des Nations unies.

« Il s’agit d’inverser le rapport de forces et de fixer le régime sur ses positions. Après l’échec des pourparlers d’Astana et l’incapacité de la Russie à garantir le cessez-le-feu, il faut renforcer le poids de l’opposition à Genève », déclarait, lundi 20 mars, Wael Olwan, le porte-parole du groupe « légion Al-Rahman » et conseiller médias du haut conseil des négociations de l’opposition.

A la mi-journée mardi, les forces de l’opposition ont annoncé avoir repris aux forces gouvernementales les positions qu’elles avaient conquises puis perdues la veille : une zone industrielle bordant l’autoroute Damas-Alep – qui sépare les quartiers assiégés de Jobar et de Qaboun, dans l’est – et une partie de la gare routière des Abbassides, à quelques centaines de mètres de la place du même nom, la deuxième de la capitale, à deux kilomètres de la vieille ville et dont les accès ont été fermés par les autorités.

« Relier les quartiers de Jobar et de Qaboun »

Mardi, les combats avaient fait au moins 72 morts côté gouvernemental et au moins 34 du côté des factions rebelles, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Selon la télévision d’Etat, treize civils ont été blessés dans la capitale par des tirs de mortier tirés depuis les zones rebelles. Le jour étant férié à l’occasion de la fête des mères, les rues sont traditionnellement animées à Damas, notamment dans et aux abords des marchés.

Menée principalement par les combattants de la légion Al-Rahman, la faction armée la plus importante du quartier rebelle de Jobar, avec l’appui des salafistes d’Ahrar al-Cham et des djihadistes de Tahrir al-Cham, l’opération a pour « objectif stratégique de relier les quartiers de Jobar et de Qaboun pour alléger les souffrances de la population », selon un commandant local de la légion Al-Rahman qui qualifie la situation à Qaboun de « désespérée » : « L’objectif est d’établir une ceinture de sécurité autour de Qaboun pour empêcher le régime de s’en emparer. »

Depuis une offensive gouvernementale le 5 mars, la petite enclave de Qaboun-Barzeh a été complètement isolée du reste des territoires sous contrôle rebelle (le quartier de Jobar et la région de la Ghouta orientale). Et de l’avis de l’opposition, elle était la prochaine cible du régime, qui ne cesse de grignoter le territoire rebelle qu’il encercle et bombarde depuis l’automne 2014.

Risque de famine

Dimanche, les rebelles avaient une première fois tenté d’avancer en lançant une attaque surprise à partir du quartier de Jobar, la ligne de front la plus avancée des insurgés et la plus proche du centre-ville. Après avoir brièvement coupé l’autoroute Damas-Alep et opéré leur jonction avec l’enclave assiégée de Qaboun, au nord de l’autoroute, ils avaient reculé le lendemain.

Contre-attaquant lundi, les forces du régime avaient repris « la quasi-totalité des positions où les rebelles avaient avancé », avait fait savoir une source militaire. Une contre-offensive appuyée par un déluge de feu : entre dimanche et mardi matin, 143 raids aériens auraient visé les quartiers de Jobar et de Qaboun. Des bombardements qui s’étendaient mardi aux localités de Zamalka, Aïn Tarma, Erbin et Hamouria dans la région de la Ghouta orientale, sous contrôle de l’opposition.

« Cette offensive a demandé plusieurs semaines de préparation aux différentes factions impliquées », affirme un journaliste de la Ghouta orientale qui souhaite rester anonyme. Lequel met en avant un deuxième objectif recherché par l’opposition sur le terrain : relâcher la pression qu’exercent les forces du régime sur les autres fronts du territoire rebelle. A commencer par ses terres agricoles – « le grenier de la Ghouta » –, au nord et nord-est de l’enclave, dont une partie a été perdue lors de la dernière offensive du régime. Il s’agirait d’enrayer ces avancées pour éviter à terme un risque de famine.

« Soit on tient, soit on monte dans les bus verts », conclu le militant, en référence à la couleur des bus de transport urbain qui évacuent – « déportent », selon les rebelles – vers le nord du pays et la Turquie les habitants des enclaves rebelles qui signent des accords de reddition avec le régime.