La rébellion lance une offensive dans le centre de Damas
La rébellion lance une offensive dans le centre de Damas
Par Madjid Zerrouky, Marc Semo, Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)
Alors que les négociations de paix doivent reprendre jeudi 23 mars à Genève, l’opposition cherche à desserrer l’étau dans la capitale syrienne.
Un combattant appartenant à la coalition de brigades Faylaq Al-Rahman, dans le quartier de Jobar, à Damas, le 19 mars. | AMER ALMOHIBANY / AFP
Le fracas de la guerre refait trembler Damas. De violentes explosions retentissaient mardi 21 mars, pour le troisième jour consécutif, près du centre de la capitale syrienne, épargnée par les combats ces deux dernières années. Les affrontements ont débuté dimanche, par une offensive rebelle contre la place des Abbassides, un immense rond-point situé à deux kilomètres de la vieille ville. Repoussés par les forces progouvernementales, les assaillants sont repartis à l’assaut mardi, sous une pluie de roquettes.
En transformant le coin nord-est de la capitale en ville morte, les insurgés poursuivent deux objectifs : faire étalage de leur force à la veille de la reprise des pourparlers de paix de Genève, prévue jeudi 23 mars, et alléger la pression sur le front de Qaboun et de Barzeh, deux quartiers plus au nord que les troupes pro-Assad essaient d’encercler. « Les rebelles ne chercheront pas à avancer beaucoup plus loin, prédit Saïd Al-Batal, un ancien militant révolutionnaire de la Ghouta, la banlieue orientale de Damas, venu se réfugier à Beyrouth il y a un an et demi. Ils n’en ont d’ailleurs pas les moyens militaires. »
Des positions dans la zone industrielle
L’offensive est conduite par Faylaq Al-Rahman, une coalition de brigades à dominante islamiste qui se revendique de l’Armée syrienne libre, la branche modérée de l’insurrection. La poussée est partie de Jobar, un quartier de l’est de Damas adjacent à la place des Abassides, qui échappe depuis quatre ans au contrôle des loyalistes. Deux autres formations armées, plus radicales, participent aux combats : les salafistes d’Ahrar Al-Cham et les djihadistes de Fatah Al-Cham, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaida.
Ce sont de ses rangs que proviennent les deux kamikazes ayant ouvert les hostilités en fonçant contre les positions du régime, en lisière de Jobar, au volant d’engins blindés bourrés d’explosifs. La déflagration a détruit le QG des loyalistes dans le quartier et interrompu leur réseau de communications. Profitant d’un début de panique dans les rangs de leurs adversaires, les rebelles de Qaboun sont passés à l’attaque, s’emparant de plusieurs positions dans la zone industrielle.
« Ils cherchent à desserrer l’étreinte du régime, qui les pilonne depuis un mois, dit Mohamed Abdel Rahman, un journaliste pro-opposition, basé à Douma, une ville voisine. Ils redoutent de subir le même sort que Daraya et Mouadamiya », deux banlieues de Damas qui, après des années de siège, ont dû baisser les armes et dont les combattants ont été transférés à Idlib, dans le nord de la Syrie.
« Le train est prêt »
Les combats sont d’autant plus importants que Qaboun abrite un réseau de tunnels par lequel transite le ravitaillement en armes et en nourriture de la Ghouta. « C’est une affaire de vie ou de mort, prévient Saïd Al-Batal. Si Qaboun tombe ou se retrouve encerclé, toutes les zones rebelles de l’est de Damas, où plusieurs centaines de milliers d’habitants résident, seront asphyxiées. Qaboun est la route du Castello de la Ghouta », ajoute-t-il, en référence à l’ultime voie d’approvisionnement d’Alep, dont la capture par les forces prorégime, en juillet, a préfiguré la chute de la ville, six mois plus tard.
Autant dire que l’évolution de la situation sera suivie avec attention par les participants aux discussions de Genève. Opposants et partisans du régime se retrouvent sur les bords du lac Léman pour la quatrième fois en un an pour tenter, grâce à la médiation de l’ONU, de trouver une issue politique au conflit.
« Des choses ont commencé à bouger lors des dernières discussions », note un diplomate. La précédente session, achevée le 3 mars après huit jours de discussions indirectes sans avancées notables, avait permis aux différentes parties de se mettre d’accord sur un agenda. « Le train est prêt, il est en gare, les moteurs chauffent. On a juste besoin d’un coup d’accélérateur », avait alors déclaré l’émissaire des Nations unies, Staffan de Mistura.
La lutte contre le terrorisme à l’ordre du jour
Bien que les représentants de l’opposition armée aient boycotté la dernière réunion d’Astana, au Kazakhstan, dédiée aux questions militaires, et que les autorités syriennes aient refusé de le recevoir à Damas en fin de semaine dernière, le diplomate italo-suédois se veut optimiste. Quatre thèmes sont à l’ordre du jour et seront discutés en parallèle. Lors de la précédente session, le représentant de Damas avait obtenu que la lutte contre le terrorisme soit ajoutée aux trois autres sujets au cœur des négociations : la formation d’un organe de transition, l’élaboration d’une nouvelle constitution et la préparation d’élections.
Cette feuille de route est celle fixée par la résolution 2254 des Nations unies, votée par le Conseil de Sécurité en décembre 2015 et soutenue par Washington comme par Moscou. Les positions des parties restent néanmoins diamétralement opposées, notamment sur le sujet de la transition. Pour le régime comme pour les Russes, il s’agit d’ouvrir le gouvernement actuel à quelques opposants, triés sur le volet, sans remettre en cause le pouvoir de Bachar Al-Assad. Pour l’opposition, au contraire, le processus doit conduire à la mise à l’écart du dirigeant syrien.