Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, à Bruxelles, le 21 février. | Francois Lenoir / REUTERS

Quelle mouche a donc piqué le ministre néerlandais des finances Jeroen Dijsselbloem ? Comment l’actuel président de l’Eurogroupe a-t-il pu se laisser aller à des propos aussi caricaturaux et stigmatisants, alors même qu’il risque de perdre ce poste clé dans les semaines qui viennent, son parti, le Parti travailliste PvdA, s’étant effondré lors des élections législatives du 15 mars au Pays-Bas ?

Dans une interview parue lundi 20 mars dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, le quinquagénaire a déclaré : « Durant la crise de l’euro, les pays du nord ont fait montre de solidarité avec les pays touchés par la crise. En tant que social-démocrate, j’accorde une importance exceptionnelle à la solidarité. Mais on a aussi des obligations. Je ne peux pas dépenser tout mon argent en schnaps et en femmes et ensuite vous demander de l’aide »…

« Un commentaire malheureux »

Son porte-parole a eu beau monter au créneau mercredi 22 mars pour tenter d’éteindre l’incendie, expliquant que les propos de M. Dijsselbloem ne s’adressaient à aucun Etat en particulier, les médias et le personnel politique du Sud de l’Europe ont réagi au quart de tour. Antonio Costa, premier ministre du Portugal a réclamé sa démission, l’accusant d’avoir tenu des propos « racistes » et « xénophobes » à l’égard des pays du sud de la zone euro.

« C’est un commentaire malheureux, autant sur la forme que sur le fond », a regretté le ministre espagnol de l’économie Luis de Guindos. Même sa famille politique européenne a lâché le Néerlandais : « Je me demande comment une personne avec de telles convictions peut encore être considérée comme apte à être président de l’Eurogroupe », a estimé l’italien Gianni Pittella, chef de file des sociaux-démocrates au Parlement européen, jugeant ses propos « honteux ».

En Espagne, au Portugal ou en Grèce, ils rappellent trop la dénomination « pays du Club Med » dont ces Etats ont été affublés au plus fort de la crise financière. A l’époque, une partie des médias « du Nord », Pays Bas et Allemagne en tête, se déchaînaient contre ceux du Sud accusés d’avoir vécu à crédit sans regarder à la dépense publique, au point de mettre en péril la monnaie unique.

Une réputation de conciliateur

Ces critiques sont jugées largement injustes par des populations ayant subi de multiples plans d’austérité imposés par leurs créanciers. Les Espagnols et les Portugais ont sorti la tête de l’eau, même si le chômage reste à des niveaux élevés, particulièrement chez les jeunes. Les Grecs ne voient toujours pas le bout du tunnel, encore sous la tutelle financière du mécanisme européen de stabilité et de la Banque centrale européenne.

Le dérapage du Néerlandais surprend en tout cas de la part d’un homme qui, après des débuts jugés catastrophiques à la tête de l’Eurogroupe, en janvier 2013, a finalement réussi, à force de nuits blanches de négociation avec le gouvernement grec, à acquérir une réputation de conciliateur.

Ses chances de conserver la présidence de l’Eurogroupe malgré la perte probable de son portefeuille de ministre des finances batave, semblent désormais réduites. A cet égard, toutes les protestations qu’ont suscité ses propos ne sont pas innocentes : les Espagnols rêvent de le pousser vers la sortie pour introniser à sa place leur propre ministre, M. de Guindos, déjà candidat au poste en 2015…