Après l’attaque du 22 mars sur le pont de Westiminster à Londres. | HANNAH MCKAY/REUTERS

Editorial du « Monde ». Le plus vieux Parlement du monde était en session. Et, qui sait, c’est peut-être ce que visait le tueur : l’exercice de la démocratie en action. Dans la séquence des attentats qui, depuis quinze ans au moins, frappent, à occurrence régulière, telle ou telle ville de la planète, les lieux choisis par les terroristes ont souvent compté – espaces de rassemblement des touristes, boîtes de nuit, stades, cafés, abords du palais de Westminster comme ce mercredi 22 mars à Londres.

Il s’agit de tuer le plus grand nombre possible et de toucher l’un des symboles d’une civilisation. On ne savait rien encore de précis, jeudi, sur les motivations de l’homme qui, au volant de son 4 × 4 puis à coups de couteau, a tué trois personnes, dont un policier, et en a blessé une vingtaine d’autres, dont trois lycéens français, au bord de la Tamise, en début d’après-midi. Mais, par mimétisme ou par conviction islamiste, il a calqué son action sur celle des djihadistes – ceux de New York, Orlando, Paris, Nice, Berlin, Bruxelles, notamment.

A une heure de grande affluence, il a choisi l’un des quartiers préférés des promeneurs dans la capitale britannique, avant de foncer sur une des grilles qui bordurent l’emprise du Parlement, où il a tué un policier en faction, avant d’être à son tour éliminé.

L’EI sur le point d’être défaite à Mossoul et Rakka

Cette tragédie confirme deux vérités. La première, c’est qu’il n’y a pas de système de sécurité totalement hermétique. Depuis les attentats de juillet 2005, qui ont fait 57 morts à Londres, la police a multiplié les caméras de surveillance, elle a tissé un réseau d’informateurs des plus efficaces, cependant que la loi musclait encore, et encore, les pouvoirs des forces de l’ordre et des magistrats dans la lutte contre le terrorisme.

La seconde est que le djihadisme, même sans base arrière d’où fomenter et commanditer des attaques, est avec nous pour quelque temps encore. L’attentat de Londres intervient alors que l’organisation dite Etat islamique (EI) est sur le point d’être défaite dans ses deux « capitales », Mossoul, en Irak, et Rakka, en Syrie. La première ville a été reconquise aux deux tiers par l’armée irakienne, les milices kurdes de ce pays et grâce à l’assistance de l’aviation et de commandos d’élite américains, notamment.

La chute de Mossoul, aux mains de l’EI depuis l’été 2014, est sans doute une affaire de semaines. Elle privera l’organisation d’une partie de sa logistique para-étatique. En Syrie, Rakka pourrait bientôt subir l’assaut conjugué des Kurdes locaux et d’autres milices, les uns et les autres appuyés par les Etats-Unis. Là encore, c’est une partie des structures du « califat » d’Abou Bakr Al-Bagdadi qui sera démantelée. La capacité de l’EI à nourrir le terrorisme international va en être singulièrement amoindrie.

Pour autant, on n’en aura pas fini avec le djihadisme – organisé ou « sauvage ». Il prend ses racines à la fois dans une perversion de l’islam et dans l’aliénation de millions de musulmans sunnites en Irak et en Syrie, marginalisés ou martyrisés par les régimes en place. Il est, largement, le produit de l’effondrement de deux des Etats les plus importants du Moyen-Orient, l’Irak et la Syrie. Le djihadisme s’estompera avec la reconstruction d’Etats modernes à Damas et à Bagdad.

En attendant, la plus vieille démocratie du monde ne se laisse pas intimider. Portes ouvertes, la Chambre des communes a, ce jeudi, repris le cours de ses travaux, aussi paisible que celui de la Tamise.