François Fillon, le 23 mars, sur le plateau de « L’Emission politique », de France 2. | LAURENCE GEAI / « LE MONDE »

Jean-Michel Bérégovoy, neveu de Pierre Bérégovoy, a trouvé « écœurant[s] » les propos de François Fillon faisant référence à son oncle jeudi 23 mars au soir dans « L’Emission politique ». Se disant « blessé » d’être présenté comme un « corrompu », sur France 2, le candidat de la droite à la présidentielle a déclaré sur France 2 que son sort « [le faisait] souvent penser » à celui de l’ex-premier ministre socialiste, Pierre Bérégovoy, qui s’était suicidé le 1er mai 1993 après une polémique liée à une affaire de prêt sans intérêt.

Interrogé par Le Parisien, Jean-Michel Bérégovoy, élu écologiste à la mairie de Rouen (Seine-Maritime), a critiqué l’analogie utilisée par François Fillon, mis en examen notamment pour détournement de fonds :

« Il utilise un moment de l’histoire de France qui a marqué les Français, les politiques, les journalistes. C’est un événement qui a dépassé ma famille. Il utilise ce symbole pour une tactique politique.

C’est un type qui n’a aucune moralité en politique. Quelqu’un capable d’utiliser ce qu’il y a de plus sombre dans notre histoire, des arguments aussi douloureux, aussi vils ne mérite pas d’être président. »

La comparaison entre Fillon et Bérégovoy a également indigné la romancière Christine Angot, invitée jeudi soir sur le même plateau, qui a accusé un peu plus tard dans l’émission M. Fillon de faire « du chantage au suicide »

Premier ministre de 1992 à 1993, François Bérégovoy s’était évertué à défendre son honnêteté et son honneur après avoir été mis en cause dans une affaire de prêt de 1 million de francs sans intérêt dont il avait bénéficié en 1986 par l’intermédiaire de l’homme d’affaires Roger-Patrice Pelat – un ami de François Mitterrand – pour l’achat d’un appartement dans le 16e arrondissement de Paris.

Hommage à « Béré »

Dans les rangs socialistes, le 1er mai est désormais devenu un jour de deuil depuis que M. Bérégovoy, un mois après la débâcle de la gauche aux législatives, en 1993, s’est donné la mort au bord d’un canal à Nevers, dans la Nièvre. Trois jours plus tard, François Mitterrand prononçait une allocution en sa mémoire :

« Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous. »

En 2012, rappelle un article du Monde, François Hollande avait également voulu honorer la mémoire de Pierre Bérégovoy pendant l’entre-deux-tours de la précédente élection présidentielle. Après la minute de silence au cimetière, M. Hollande avait rendu un hommage très politique à « Béré », l’ancien syndicaliste (FO puis CFDT), maire de Nevers (1983-1993), ministre de l’économie qui a « rétabli les comptes publics », ajusteur-fraiseur entré au gouvernement, symbole de cette « promesse républicaine » avec laquelle M. Hollande promettait de renouer.

Le lieu de l’allocution n’avait pas été choisi au hasard : le parvis du palais ducal de Nevers. Là même où Mitterrand, le 4 mai 1993, avait rendu hommage à son ancien premier ministre.