Des passagers obligés de mettre leurs ordinateurs en soute, ici à l’aéroport d’Istanbul. | STRINGER / REUTERS

Mardi 21 mars, l’aéroport de Casablanca et la compagnie nationale Royal Air Maroc se sont retrouvés, à leur grande surprise, sur la liste des pays visés par une restriction américaine sur les ordinateurs portables et les tablettes en cabine. Au total, neuf compagnies du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont concernées par l’interdiction américaine.

La compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) a confirmé les nouvelles mesures pour ses clients à destination des Etats-Unis dans un communiqué publié mardi soir. Tous les appareils électroniques, autres que les smartphones et les appareils médicaux, sont concernés par l’interdiction, qui entre en vigueur samedi 25 mars : ordinateurs, tablettes, appareils photo numériques, consoles de jeux, liseuses, etc.

« Muslim ban déguisé »

« C’est un Muslim Ban déguisé », s’indigne Fatym Layachi, chroniqueuse du Monde Afrique, en référence à l’interdiction d’entrer sur le territoire américain pour les ressortissants de plusieurs pays musulmans. Mise en œuvre par l’administration Trump, fin janvier, la mesure a causé une polémique sans précédent. Même réformée, elle continue de faire l’objet d’une bataille juridique aux Etats-Unis.

La mesure est perçue comme une brimade ; le royaume préférerait être félicité pour sa lutte contre le terrorisme et son excellente coopération avec les services occidentaux. Depuis les attentats de 2003, Rabat met en avant sa stabilité et l’efficacité d’une politique sécuritaire fondée sur le renseignement. Le dernier attentat remonte à 2011. Une bombe actionnée à distance avait causé la mort de dix-sept personnes, à Marrakech, dont huit Français.

« Bientôt, nous allons devoir voyager tous nus », s’indigne Mehdi sur une page Facebook de voyageurs marocains. « Tout ça devient ridicule », renchérit Zineb.

Pour Leila, l’actuelle restriction sur les appareils électroniques introduit une contrainte déraisonnable pour les passagers marocains, au départ de l’aéroport de Casablanca. « Et aucune autorité ne monte au créneau, s’indigne cette jeune maman. Comment faire pour occuper ses enfants sur un si long trajet ? Et ceux qui travaillent ? Cela veut-il dire que tous les Marocains sont des terroristes ? »

Certains n’hésitent pas à voir dans ces nouvelles interdictions une manœuvre commerciale, défavorable à la RAM et aux compagnies aériennes arabes et turques. Car la mesure ne s’applique pas à tous : l’interdiction des appareils ne concerne que les vols de compagnies étrangères, en provenance d’aéroports de la région. Les vols retour ne sont pas concernés, et surtout les compagnies américaines sont épargnées.

« Il faut penser aux clients business, explique un employé de la RAM à Casablanca. Ils paient entre 4 000 et 5 000 euros le billet aller-retour pour avoir de l’espace, travailler et ne pas perdre leur journée. Et on va leur dire de mettre leur ordinateur portable ou leur tablette en soute ? C’est absurde ! » La RAM a développé ces dernières années son hub de Casablanca pour attirer une clientèle africaine. Le transporteur marocain dessert aujourd’hui 35 destinations sur le continent.

Les autorités britanniques ont répercuté des mesures similaires « de sécurité aérienne » sur tous les vols directs vers le Royaume-Uni en provenance de cinq pays, dont la Tunisie, mais pas le Maroc.