Le bâtiment de la Commission européenne, à Bruxelles, le 21 mars. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Samedi 25 mars, les dirigeants européens se retrouvent à Rome, où le traité instituant le marché commun a été signé en 1957, pour tenter de relancer une Union européenne en plein désarroi. A l’occasion des 60 ans du traité, Le Monde brosse le portrait contrasté de l’Union à travers ses grandes figures contemporaines.

1. Les fondateurs

L’ex-président de la Commission européenne (1985-1995) a orchestré la mise en place du marché commun : Jacques Delors se voyait en « ingénieur de la construction de l’Europe ». Mais les troubles actuels de l’UE mettent à nu les faiblesses de son grand œuvre.

En 1979, pour la première fois, un Parlement européen est élu. François Mitterrand jugeait « symboliquement très important » que la présidence en revienne à une ancienne déportée, ce fut Simone Veil. L’assemblée est montée en puissance mais souffre toujours d’un déficit démocratique.

2. Les briseurs de rêve

Pour surmonter la crise des dettes, ces Européens et libéraux convaincus ont défendu une politique d’austérité qui a sapé la confiance dans l’UE.

Dur en général, et avec la Grèce en particulier, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances d’Angela Merkel, a été le principal promoteur de la rigueur envers le gouvernement d’Alexis Tsipras. L’épisode illustre le fossé qui s’est creusé entre le nord et le sud de l’Europe.

Des deux mandats de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, on retiendra surtout son départ – un spectaculaire pantouflage à la banque d’affaires Goldman Sachs. Sous sa présidence controversée, la Commission a été marginalisée.

Après le départ de Silvio Berlusconi, en 2011, Mario Monti lui succède au poste de premier ministre italien. Indépendant des partis traditionnels, l’ancien commissaire européen à la concurrence a appliqué scrupuleusement la cure d’austérité préconisée par Bruxelles.

3. Les démolisseurs

Les europhobes ont remporté une première bataille avec le vote britannique en faveur d’une sortie de l’UE, en juin 2016. Ces souverainistes agitent le spectre du démantèlement du projet européen, en dénonçant la bureaucratie bruxelloise.

« BoJo », chef de la campagne en faveur du Brexit, s’est retrouvé embarrassé par sa victoire. A tel point que le virulent ex-maire de Londres n’a pas voulu prendre la tête du gouvernement britannique pour mettre en œuvre la sortie de l’UE.

S’appuyant sur une majorité des deux tiers depuis son retour au pouvoir, en 2010, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a guerroyé contre les valeurs fondamentales de la maison commune. Et pris la tête des promoteurs de la fermeture des frontières de l’Europe.

Le chef de l’eurosceptique Mouvement 5 étoiles italien a été tenté, en janvier, d’adhérer au groupe centriste, libéral et europhile au Parlement européen. Contradiction ? La volte-face n’a, semble-t-il, pas laissé de trace dans les intentions de vote.

4. Les désenchantés

Ils sont les dignes héritiers des pères fondateurs et se désolent de voir l’Europe contestée de toutes parts.

Il fut l’apôtre des « Etats-Unis d’Europe » sans jamais cesser de croire en son destin personnel. Guy Verhofstadt a pris de court ses partisans en tendant la main au populiste italien Beppe Grillo dans la course à la présidence du Parlement européen. Echec retentissant.

A son corps défendant, le président de la Commission incarne l’ancienne génération, qui considère encore l’Union comme une aventure incroyable. Fatigué, affaibli par les crises successives, Jean-Caude Juncker a bien du mal à faire face au choc du Brexit et à la montée des populismes.

On avait prévu un hymne, un drapeau et une devise, on voulait plus d’intégration européenne libérale. Mais la convention présidée par l’ancien président français Giscard d’Estaing a accouché du texte de trop, rejeté lors des référendums français et néerlandais en 2005.

5. Les reconstructeurs

A leurs yeux, l’Europe est une évidence pour peser dans le monde. Mais elle doit davantage défendre ses valeurs et ses intérêts.

Le dirigeant belge Paul Magnette a pris en otage le traité entre l’UE et le Canada pour incarner une certaine refondation de l’Union. Et n’éprouve nul besoin, pour assouvir ce qu’il appelle « sa passion pour l’Europe », de devenir eurodéputé ou commissaire européen.

La gardienne de la concurrence donne vie, à sa manière, à l’Europe puissance, sans complexe. Elle a gagné ses galons en s’attaquant à une icône : Apple, qu’elle a condamné en 2016 à rembourser 13 milliards d’euros d’aides d’Etat illégales à l’Irlande.

Cheffe du paquet anticorruption roumain, leader montant de la gauche écologiste néerlandaise, première ministre écossaise europhile ou jeune conservateur allemand : ils sont peut-être les figures de l’Union de demain.