Image d’illustration du jeu vidéo « Yooka-Laylee ». | Playtonic

Jon Safari, dit « JonTron », ne figurera pas dans le jeu vidéo coloré Yooka-Laylee, attendu le 11 avril et pour lequel il a pourtant enregistré sa voix. C’est ce qu’a déclaré jeudi 23 mars au site GamesIndustry le studio britannique responsable du développement du titre, Playtonic, après des propos polémiques de cet influent vidéaste, qui affiche de plus en plus ses idées politiques, proches du nationalisme blanc américain.

Le 13 mars, dans un débat filmé de deux heures sur la plateforme de diffusion en direct Twitch, ce spécialiste du jeu vidéo a confié à un autre vidéaste, dit « Destiny », ses vues sur l’immigration aux Etats-Unis. « Une nation est supposée être un groupe lié par sa culture, si ce n’est par ses gènes, appelez ça comme vous voulez », a-t-il expliqué en détaillant que les Etats-Unis étaient pour lui « fondamentalement un pays européen », à la stupéfaction de son interlocuteur.

Reprenant des thèses très en vogue dans les milieux d’extrême droite, il a plaidé pour la défense de l’histoire blanche des Etats-Unis. « Les Blancs ne peuvent pas accepter de devenir une minorité dans les pays où leurs ancêtres sont nés si cela ne s’applique pas aux autres pays », a-t-il appuyé, tout en citant de manière confuse des « émeutes musulmanes » en Grande-Bretagne, en France et en Suède.

« Des jeux dont chacun puisse profiter »

Une semaine après cet entretien en direct, le studio britannique s’est désolidarisé de son doubleur vedette :

« Nous avons récemment appris les propos tenus par le doubleur JonTron après que le développement de “Yooka-Laylee” eut été terminé. JonTron est un présentateur vidéo talentueux que nous étions ravis, il y a deux ans, de faire participer au doublage de notre jeu. Néanmoins, à la lumière de ses récentes positions personnelles, nous avons pris la décision de le retirer du jeu par une mise à jour à venir. »

Le studio, créé par des anciens de l’entreprise britannique culte Rare (Donkey Kong Country, GoldenEye 007, Banjo & Kazooie, Diddy Kong Racing, Perfect Dark…), a par ailleurs tenu à préciser qu’il « se réjo ui[ssa i]t de toutes les formes de diversité et s’appliqu[ait] à faire des jeux dont chacun puisse profiter ».

Conçu comme une suite spirituelle au jeu de plateforme coloré de 1998 Banjo & Kazooie, et très attendu par les nostalgiques des jeux vidéo des années 1990, Yooka-Laylee met en scène un caméléon et une chauve-souris dans un monde cartoonesque à l’humour britannique décalé.

Le vidéaste aux trois millions d’abonnés sur YouTube n’a pas souhaité polémiquer. « C’est malheureux de voir Playtonic m’enlever de Yooka-Laylee, mais je comprends cette décision. Je leur souhaite le meilleur pour le lancement du jeu ! », a-t-il commenté sur Twitter.

Crise dans le monde du jeu vidéo

Depuis 2014 et la polémique du GamerGate – du nom d’un mouvement spontané de joueurs ligués contre la diffusion d’idées féministes dans les jeux vidéo et les médias – la communauté des joueurs est divisée entre partisans d’une industrie assumant son poids médiatique et ses représentations sociales, et défenseurs d’un jeu vidéo plus conservateur, inscrit dans une contre-culture, pulp, permissif et non policé.

Si le GamerGate se revendique apolitique, il a fait l’objet de tentatives de récupération par l’extrême droite américaine, et une frange difficile à quantifier de ses soutiens a rallié l’alt-right, mouvement ultranationaliste ayant milité en ligne pour l’élection de Donald Trump.

Tandis que, depuis quelques années, de nombreuses entreprises de jeu vidéo occidentales se sont activement engagées dans des représentations positives des minorités dans leurs productions, les idées du GamerGate ont essaimé au sein de plusieurs communautés de joueurs, comme sur le forum français 18-25 de jeuxvideo.com, où l’antiféminisme voire les thèses d’extrême droite prolifèrent depuis 2014, et trouvent de nombreux relais au sein des jeunes vidéastes sur YouTube.