« Des robes sous mes pieds », pièce présentée au Figra, au Touquet-Paris-Plage, le 23 mars.

Jusqu’à présent, sa vie tournait autour des sans-papiers, d’aventures sans lendemain et de shopping à bas prix. Un jour, Virginie s’achète une robe rose à 10 euros dans un supermarché Auçan. Une chose la trouble. Sur l’étiquette, elle se met à lire une étrange inscription : « SOS, SOS, SOS, forcés à travailler des heures épuisantes, conditions dégradantes de travail. » Virginie est bouleversée d’autant qu’au même moment, à l’autre bout du monde, au Bangladesh, le Rana Plaza, une usine de confection de huit étages, installée à Dacca, s’effondre causant plus de mille morts. Virginie veut savoir si sa robe a été fabriquée au Rana Plaza et si l’ouvrière qui a écrit ce message de détresse est encore en vie. Elle ira jusqu’à affronter la multinationale française pour connaître la vérité et la pousser à indemniser les victimes.

Après plus d’une heure de spectacle, les six comédiens ont été longuement applaudis : visiblement, les 180 personnes présentes dans l’auditorium (à moitié rempli et c’est bien dommage) ont été conquises, après avoir été intriguées, par cette représentation de… « théâtre documentaire ». Etrange appellation. « C’est plutôt du documentaire théâtral ou du théâtre documenté », s’amuse à expliquer Bruno Lajara, le metteur en scène de Des robes sous mes pieds.

Un autre regard sur le monde

Jeudi 23 mars, le Figra (Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société), qui a lieu au Touquet-Paris-Plage du 22 au 26 mars, a proposé, une représentation de cette pièce basée sur la tragédie de Dacca. Dans cette histoire, tout est vrai ou presque. Christophe Martin, l’auteur, s’est basé sur des articles de journaux et des communiqués de presse pour imaginer comment les dirigeants d’Auchan (Auçan dans la pièce) ont pu essayer d’éviter que les morts des ouvriers du Rana Plaza leur fassent une mauvaise publicité. « Nous avons travaillé hors champ, explique-t-il. Mais aussi sur les éléments de langage pour essayer d’être le plus crédible possible. C’est là où on tend vers un documentaire, c’est une vérité qui ressort de ce travail-là. »

Cette forme théâtrale de documentaire est une réussite. A part une amourette entre deux personnages sans importance, les propos développés sur les planches – jonchées de tas de vêtements qui font penser à des cadavres –, sont puissants. Le public assiste au « brainstorming » – plus vrai que nature – entre la directrice de la communication et les deux directeurs du groupe pour désamorcer le drame du Rana Plaza. Le grand patron a de plus en plus de mal à cacher son cynisme face à une telle tragédie. La pièce est précédée par un monologue interprété par Thérèse Flouquet, ancienne petite main du textile, qui raconte en quinze minutes, ses (vrais) trente-trois ans d’ouvrière de confection.

Le théâtre documentaire s’est développé en France dans les années 1970. Cette forme inédite cherche à mettre en scène le réel pour sortir de l’écran et du cadre télévisuel. Après avoir été licenciée en 1999 de chez Levi’s, Thérèse Flouquet est, aujourd’hui, comédienne.