Le monde sous les bombes de Guernica a Hiroshima 2017
Durée : 01:34:39

Depuis près de trois ans, Planète + fait parler d’elle. Et de façon croissante. Dans les journaux, sur les réseaux sociaux et, plus important encore, dans le milieu des producteurs et des réalisateurs. Cette chaîne thématique, qui fait partie de la galaxie « Découverte » du groupe Canal + (avec Planète + Crime Investigation et Planète + Aventure Expérience), propose de plus en plus de documentaires ambitieux. Pour définir ces chaînes payantes, Christine Cauquelin, qui les ­dirige, a trouvé un slogan : « Etre une plus et pas une énième. »« Nous essayons des choses, dit-elle, afin d’avoir davantage d’aspérités dans nos films. Nous assumons nos angles et la manière de traiter le sujet différemment, avec une identité visuelle marquée. »

Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. On peut citer ­Topoï, une série documentaire sur les mythologies contemporaines (le running, le selfie ou Michel Houellebecq…), en référence assumée à Roland Barthes. Ou encore Rêver le futur, une collection prospective qui montre, avec des images de synthèse élégantes et d’impressionnants effets spéciaux, ce que pourrait être le monde de ­demain… Malgré de faibles audiences, Planète + maintient sa ligne d’exigence, en s’appuyant sur des budgets parfois substantiels qui n’ont rien à envier à ceux d’Arte ou de France Télévisions.

« Laboratoire »

Signe de cette politique : trois de ses productions, Pourquoi nous détestent-ils, nous les Noirs ? de ­Lucien Jean-Baptiste et Maud ­Richard, Chine, le cri interdit, de Marjolaine Grappe, et Le Monde sous les bombes, de Guernica à ­Hiroshima, d’Emmanuel ­Blanchard et Fabrice Salinié, ont été ­sélectionnés au Figra (Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de ­société), qui a lieu au Touquet-Paris-Plage du 22 au 26 mars.

« Aujourd’hui, dans le docu­mentaire, Planète + est la plus ­audacieuse. C’est sur cette chaîne que s’expriment des écritures et des ­formes différentes. Elle a su ­trouver sa spécificité : faire des films qui font un pas de côté et dans l’air du temps », explique ­Alexandre Amiel, producteur de plusieurs collections sur Planète +, dont la trilogie Pourquoi nous détestent-ils ?

Cette série en trois volets, sensible et didactique, qui combat les clichés racistes, a suscité fin 2016 un énorme buzz sur les ­réseaux sociaux. « Les réalisateurs et moi avons été invités dans On n’est pas couché, sur France 2. Normalement, un film né sur Planète + n’a pas vocation à être chez Laurent Ruquier, souligne Alexandre Amiel. L’avantage d’une petite chaîne et d’un petit producteur comme moi, c’est que chacun peut s’exprimer à son meilleur niveau. »

ANTİSÉMİTİSME : POURQUOI NOUS DETESTENT-ILS? #RIVAROL #ONPC
Durée : 01:27

« Actuellement, c’est la chaîne ­laboratoire du documentaire », ­assure mêmePaul Moreira. Le producteur de « Cash investigation », sur France 2, a développé pour Planète + Crime Investigation « Sous le radar », un rendez-vous mensuel qui revisite des thèmes de société (comme les violences policières ou l’avortement) en s’appuyant sur des vidéos de citoyens visibles sur le Net. « C’est le paradoxe des chaînes plus modestes : comme leur financement est plus faible, elles ont une certaine culpabilité et nous laissent tranquilles, explique-t-il.Il y a donc une forme nouvelle que l’on peut trouver, un espace inhabituel de liberté, d’expression, d’écriture et d’expérimentation. »

Pourquoi un tel attrait pour ­Planète + ? D’abord parce que les producteurs et les réalisateurs ­influents connaissent bien ­Christine Cauquelin, qui a été la patronne de l’unité des documentaires de Canal +. Ensuite, parce qu’elle a pu bénéficier, après sa nomination, le 17 avril 2014,à la tête des chaînes thématiques « Découverte », d’une stratégie de groupe. « On m’a donné plus d’argent pour produire, grâce à quoi j’ai pu mettre en place une production originale qui existait déjà sur les chaînes, mais de façon plus ­réduite, dit-elle. Le groupe a fait un tri dans ses chaînes thématiques, et s’est resserré sur des offres qui lui semblaient porteuses pour les abonnés. Parmi elles, il y avait la “Découverte”. Ainsi, l’argent économisé sur les antennes supprimées a été reporté sur les autres. »

« Carte blanche »

Conséquence : le coût de sa grille a doublé. Les documentaires sont ainsi mieux financés « avec une enveloppe identique à celle de France 5 », précise Mme Cauquelin. « Cette stratégie me permet de produire huit collections par an – entre huit et dix ­épisodes chacune. Soit plus de 70 heures originales. Forcément, ça finit par se voir », se félicite-t-elle. Désormais, ses chaînes thématiques ­intéressent de plus en plus les producteurs et les réalisateurs. Et, dans les couloirs du ­Figra, le nom de Planète + circule. « Oui, la chaîne finance bien les films, ils ont de l’argent », ­entendons-nous dire à son ­endroit.

Dans l’univers du documentaire, où France Télévisions et Arte sont les chefs de file et croulent sous les propositions, « Planète + est une case supplémentaire », soutient Marjolaine Grappe. La réalisatrice de Chine, le cri interdit, une enquête édifiante sur la politique des naissances dans l’empire du Milieu, a pu diffuser son film sur Planète + Crime Investigation, alors même qu’elle l’avait écrit en pensant à Arte. « Cela a été une vraie chance, souligne-t-elle. Et le gros avantage a été que j’ai eu carte blanche, même sur la durée. »

Chine, le cri interdit sur PLANÈTEPLUS CANADA
Durée : 00:37

Planète + n’hésite pas à s’intéresser à de jeunes auteurs comme Marjolaine Grappe. Et à collaborer avec eux. « C’est une marque de confiance, note Olivier de Bannes, le producteur de Topoï. Je ne peux que saluer cette prise de risque, c’est quelque chose d’assez rare. Les équipes sont très impliquées dans les productions, avec infiniment plus de précision que d’autres chaînes. »

Désormais, les lignes éditoriales sont clairement définies au sein du groupe Canal+ : la chaîne cryptée se concentre sur des documentaires cinématographiques ayant un potentiel international, C8 sur ceux qui traitent de politique et d’actualité, Planète + sur des films qui interrogent la ­société. Pour le moment, en matière de diffusion, aucun pont n’existe entre Planète + et les autres chaînes du groupe. Mais rien n’est exclu. D’autre part, à deux reprises, Planète + s’est portée candidate pour devenir une chaîne gratuite sur la TNT. Chaque fois, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a répondu par la négative.