La lettre commence par une phrase élogieuse. Après tout, entre économistes, on est en bonne compagnie. « J’ai souvent pu avoir une position différente de la vôtre, j’ai généralement apprécié le sérieux du travail de Coe-Rexecode », écrit ainsi Jean Pisani-Ferry, conseiller d’Emmanuel Macron, dans la lettre ouverte qu’il a envoyé jeudi 23 mars à l’institut de conjoncture, connu pour sa proximité avec le patronat.

Mais une fois les politesses de circonstances passées, le ton change. « C’est donc avec une grande surprise que j’ai pris connaissance de votre analyse des programmes des principaux candidats à la présidentielle. Je n’y ai en effet trouvé ni le professionnalisme que j’attendais de vous, ni l’objectivité qui doit s’imposer à une institution non-partisane à l’approche d’une échéance démocratique majeure », écrit M. Pisani-Ferry.

Car on a beau être entre soi, l’heure est grave. M. Pisani-Ferry a un programme à défendre. En l’occurrence le sien, ou du moins celui qu’il a aidé M. Macron à concocter.

L’économiste, ancien président de France Stratégie, un think tank, rattaché à Matignon, poursuit en indiquant avoir relevé « de nombreuses erreurs » dans la « quantification du programme » de son candidat. Il accuse notamment l’institut d’avoir surévalué le coût d’une série de mesures phares du candidat d’En marche !, comme par exemple l’ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants ou encore l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Et partant, d’imputer au programme du candidat une baisse des pensions de l’ordre de 20 milliards d’euros, en vue de faire passer le déficit sous la barre des 3 %. Or une telle mesure n’existe pas dans le projet de l’ancien ministre de l’économie.

« Cloués au pilori »

Car l’exercice auquel s’est prêté Coe-Rexecode diffère quelque peu d’un chiffrage classique. « En fait, ils partent du postulat que le programme de François Fillon est le meilleur, et de là ils posent un diagnostic de la situation de la France. Mais ça, ils ne le précisent pas, estime-t-on dans l’entourage de M. Macron. Voilà pourquoi les programmes axés sur la demande autant que sur l’offre, voire complètement sur la demande se retrouvent cloués au pilori. » Il est vrai qu’à bien y regarder, ce sont surtout les programmes de Benoît Hamon (PS) et de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) qui souffrent le plus de critiques de l’équipe de Coe-Rexecode.

Cette dernière se défend de toute erreur, et prépare une réponse, privée, à adresser à M. Pisani-Ferry. « C’est une lettre d’économiste et nous allons y répondre en économistes, indique Michel Didier, le président de Coe-Rexecode. Nous n’allons pas faire une réponse politique mais plutôt une réponse technique. Nous avons fait un travail sérieux et sommes à la disposition de tout le monde pour en discuter. »

Et M. Didier de poursuivre : « L’analyse des programmes économiques doit se faire dans la sérénité. » Beau joueur, l’économiste reconnaît d’ailleurs qu’il y a « un certain nombre de choses intéressantes dans le programme de M. Macron ». On ne va pas non plus trop se fâcher.