Les nouveaux modèles de smartphones Samsung Galaxy S8 et Galaxy S8, exposés à New York, le 24 mars 2017. | Richard Drew / AP

Il a été la risée de ses concurrents, fait l’objet de blagues de quidams inspirés (« Quel est le film préféré du patron de Samsung ? – Total Recall » [Rappel général]), et même d’un président des Etats-Unis. Le 20 octobre 2016, à Miami, un Barack Obama moqueur comparait ainsi l’une de ses lois à une compagnie qui fabrique des smartphones : s’il y a un défaut, elle le corrige… sauf si l’appareil prend feu.

En présentant son Galaxy S8, mercredi 29 mars, Samsung espère définitivement tourner la page de l’humiliation subie après l’abandon, en octobre 2016, du Galaxy Note 7, dont de nombreux exemplaires s’étaient embrasés à la suite d’un phénomène de surchauffe.

Avec son dernier né, le constructeur entend désormais faire taire les critiques et retrouver la confiance des consommateurs. A défaut de pouvoir éteindre l’autre incendie qui couve dans l’entreprise depuis l’incarcération de son patron pour faits de corruption. N’ayant pas le droit à l’erreur, le groupe s’est donné le temps de peaufiner son nouveau produit et a renoncé à le présenter comme de coutume à l’occasion du Mobile World Congress de Barcelone, à la fin février. C’est donc un mois plus tard, au Lincoln Center à New York, qu’il a dévoilé le S8.

Grand écran

Au premier regard, l’innovation majeure de ce téléphone est la disparition du bouton principal, désormais dissimulé sous un écran aux bords arrondis, pour offrir à ce dernier davantage de place. Hormis le haut de l’appareil où se logent la caméra frontale et le haut-parleur, le S8 propose une surface d’affichage sur la quasi-totalité de l’appareil. Décliné en deux versions, il offre, au choix, des écrans de 5,8 ou 6,2 pouces, plus grands que ceux de concurrents comme l’iPhone 7 Plus (5,5 pouces) ou le tout récent Huawei P10 (5,1 pouces).

Un parti-pris censé correspondre aux attentes des consommateurs, selon Jean-Daniel Ayme, vice-président mobile de Samsung Europe : « On fait de plus en plus de choses avec nos téléphones, des jeux, des vidéos, et cela va de pair avec des écrans de plus en plus grands ». Le constructeur tire aussi profit de cet écran plus vaste pour proposer une fonctionnalité permettant d’y afficher plusieurs applications simultanément. On peut ainsi répondre à un SMS tout en continuant à regarder un film. Toujours dans l’idée de faciliter l’utilisation du téléphone, différents systèmes permettent de déverrouiller l’appareil par reconnaissance des empreintes digitales, de l’iris, ou encore, et c’est le plus pratique, par reconnaissance faciale.

L’autre innovation majeure est l’intégration de Bixby, un assistant personnel intelligent, fait maison, qui permet de commander le téléphone par la voix, ou par la combinaison de la voix et du geste. Pour l’heure, Bixby ne comprend que l’anglais et le coréen du Sud, mais d’autres langues – dont le français – sont prévues « au plus vite », selon M. Ayme.

Nouveaux usages

Samsung place son smartphone dans une gamme de produits plus vaste. Cela passe notamment par le lancement de Dex, une station d’accueil qui transforme le portable, raccordé à un écran et à un clavier, en ordinateur de bureau dans un environnement Androïd. Une nouvelle version du casque de réalité virtuelle Gear VR – au sein duquel on insère son téléphone – a aussi été présentée, assortie d’un nouveau contrôleur qui fluidifie l’expérience.

Au total, sans créer de réelle rupture technologique, Samsung propose un produit à la fois robuste (processeur puissant, grande capacité de stockage, résistant à l’eau et à la poussière…) et en phase avec les nouveaux usages. C’est une étape importante pour faire oublier le Note 7, et son effet dévastateur sur la marque. Si le rappel de la première vague d’appareils début septembre 2016, un mois après le lancement de l’appareil, avait déjà éreinté sa réputation, c’est la mise sur le marché de terminaux modifiés, mais toujours défaillants, qui aura été fatal au produit.

Outre le coût financier – le groupe l’évaluait à plus de 5 milliards de dollars en octobre – c’est surtout le crédit de l’entreprise qu’il a fallu rétablir. Après l’annonce du retrait définitif de l’appareil, le 11 octobre, une enquête, menée avec l’aide de spécialistes extérieurs, a permis au bout de trois mois d’identifier la cause des incendies : un défaut de conception des batteries.

Calendrier favorable

Simultanément, le géant sud-coréen a mis en place un programme de vérification des batteries, sur lequel la marque a largement communiqué depuis. « Pour nous, l’épisode des batteries, c’est derrière nous, veut croire Jean-Daniel Ayme. On a fait notre mea-culpa, on a beaucoup expliqué, on a instauré des nouveaux modes de tests ».

Des réponses adaptées à la situation selon Thomas Husson, analyste chez Forrester : « Ils n’avaient pas d’autre choix que de communiquer ainsi, massivement, pour renouer une relation avec le consommateur et ils ont vraiment renforcé leur contrôle qualité pour s’assurer qu’un tel épisode n’arrive plus ».

Aujourd’hui le calendrier est favorable pour Samsung. Face à son principal concurrent, Apple, qui fête cette année le 10e anniversaire, et sortira, probablement à la fin de l’été son nouvel iPhone, Samsung a quelques mois pour installer son produit. Et ainsi reprendre la place de premier constructeur mondial qu’il a cédée sur le fil au dernier trimestre 2016 : le sud-coréen avait écoulé 76,8 millions d’unités durant les trois derniers mois de l’année, contre plus de 77 millions pour la marque à la pomme.

Même si Samsung n’a pas droit à l’erreur avec son S8, paradoxalement, « c’est un lancement moins critique pour Samsung que ne le sera pour Apple celui de son prochain iPhone, car le sud-coréen a réussi à réduire sa dépendance par rapport aux smartphones, en diversifiant ses sources de revenus », souligne M. Husson. Ainsi, malgré le coût du rappel du Note 7, Samsung a annoncé des bénéfices en hausse de 50 % au dernier trimestre 2016.

Suivez la conférence en direct :