Le patronat et les syndicats – à l’exception de la CGT – ont trouvé, mardi 28 mars, peu avant 22 heures, un accord de principe sur une nouvelle « convention » fixant les règles d’indemnisation des chômeurs. Il ne s’agit que d’un projet de texte qui doit encore être avalisé par les instances dirigeantes des organisations favorables à une signature. Mais les partenaires sociaux sont parvenus à rapprocher leurs points de vue, neuf mois après l’échec d’un premier cycle de négociations, ce qui paraissait inconcevable en début d’année encore. La légitimité de ce compromis risque toutefois d’être écornée, plusieurs composantes du monde patronal – dont le bâtiment – y étant ouvertement hostiles.

Les deux camps ont dû faire des concessions pour en arriver là. Initialement, le Medef et deux autres mouvements d’employeurs – la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ainsi que l’Union des entreprises de proximité (U2P) – ne voulaient pas entendre parler d’une hausse des cotisations. Les syndicats de salariés, de leur côté, exigeaient une majoration des prélèvements sur les contrats à durée déterminée (CDD) courts, afin de modifier le comportement des patrons qui y recourent de façon abusive. Un « point dur » qui avait fait capoter les discussions en juin 2016.

Mais la donne a changé, surtout depuis qu’Emmanuel Macron a exprimé son intention de retirer aux partenaires sociaux la gouvernance de l’Unédic pour la confier à l’Etat, s’il est élu président de la République. Craignant d’être évincés de la gestion de l’assurance-chômage, le patronat et les syndicats ont infléchi leurs positions de départ, comme le montre le « deal » ficelé mardi soir.

Celui-ci s’inscrit dans la droite ligne des propositions faites par Alexandre Saubot, le chef de file de la délégation patronale et responsable du « pôle social » au Medef, après qu’il a reçu un mandat de son organisation pour parlementer avec les confédérations de salariés (Le Monde du 29 mars). Les syndicats d’employeurs acceptent désormais l’idée d’une ponction supplémentaire pendant, au maximum, trois ans. Mais cette « contribution exceptionnelle temporaire », dont le taux est de 0,05 %, n’est nullement ciblée sur les CDD courts puisqu’elle porte sur l’ensemble des contrats signés. La mesure, qui devrait apporter un peu moins de 270 millions d’euros chaque année à l’Unédic, pourra être levée si les branches les plus touchées par la précarité mettent en place des solutions en faveur de la « sécurisation des parcours professionnels » et de la « régulation » des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU, un type de contrat très souple avec moins de droits pour le salarié qu’un CDD standard).

Petite « douceur »

En contrepartie, le patronat obtient une petite « douceur » : la suppression de la sur-cotisation instaurée en 2013 sur certains types de contrats de moins de trois mois, celle sur les CDDU étant maintenue pendant un an et demi, ce qui constitue une – menue – concession des employeurs. Par ailleurs, un autre prélèvement sera diminué, celui relatif aux AGS (le système des garanties de salaire, prenant en charge la rémunération et, le cas échéant, les indemnités de licenciement des salariés dont l’entreprise subit une « défaillance »). Ces deux allégements de charges visent, selon la formule de M. Saubot, à « neutraliser » la « contribution exceptionnelle transitoire ».

D’autres dispositions sont prises pour réaliser des économies. Ainsi, il faudra être âgé de 53 ans (et non plus de 50) pour entrer dans la « filière senior » et avoir droit à une indemnisation plus longue que le droit commun (de trente à trente-six mois maximum d’un côté, contre vingt-quatre mois de l’autre). En outre, les règles de calcul et les conditions pour être éligible à l’assurance-chômage sont modifiées. Mis bout à bout, ces changements de paramètres devraient permettre de réduire la dépense de près de 900 millions d’euros par an, en vitesse de croisière. Pour mémoire, le déficit de l’Unédic en 2016 est estimé à 4,2 milliards, tandis que sa dette, elle, atteindrait 30 milliards.

« Nous nous réjouissons que le dialogue social ait montré, une fois de plus, son efficacité », s’est félicité M. Saubot, mardi soir, en indiquant avoir « le sentiment du devoir accompli ». Pour lui, le texte représente « une preuve de courage et de responsabilité ». « Chaque dispositif » mentionné dans le protocole « fait l’objet d’un équilibre qui convient à notre délégation », a enchaîné Véronique Descacq (CFDT) . « On aurait préféré [une mesure] plus incitative et plus ciblée sur les contrats courts », a-t-elle toutefois nuancé.

« C’est un compromis, a constaté, sobrement, Michel Beaugas (FO). L’accord tend à être équilibré. » « On s’en sort pas trop mal [par rapport] aux propositions initiales du Medef », a lancé Eric Courpotin (CFTC). « Au niveau de nos instances, nous défendrons qu’il faut signer cet accord », a plaidé Jean-François Foucard (CFE-CGC). Seule note discordante, côté syndical : celle que la CGT a fait entendre, par le biais de son représentant, Denis Gravouil : d’après lui, la nouvelle convention Unédic est synonyme d’économies « sur le dos des chômeurs » et va pénaliser les femmes, les précaires, les seniors en entraînant « un recul des droits considérable ».

Dans un communiqué, François Hollande a trouvé que « le dénouement de cette négociation témoigne de la capacité de notre modèle social à faire face aux transformations économiques en cours ». « Le dialogue social dans notre pays en sort renforcé », a-t-il complété. Le texte contient « des recettes et des économies nouvelles qui ont pour objectif de pérenniser et de sécuriser l’assurance-chômage », a relevé le premier ministre, Bernard Cazeneuve : « C’est une nouvelle importante pour les salariés et pour les demandeurs d’emploi. »

Le « deal » de mardi provoque de gros remous au sein du patronat. Avant même qu’il ne soit annoncé, le président de la Fédération du bâtiment, Jacques Chanut, a envoyé une lettre, mardi, à Pierre Gattaz, le leader du Medef, pour lui annoncer sa démission du pôle social du mouvement patronal. Il proteste ainsi contre l’accroissement des cotisations, qui revient à franchir, écrit-il, « une ligne rouge [qu’ils s’étaient] fixée ». « Où est la cohérence pour le Medef dans son combat pour juguler le coût du travail ? », s’interroge M. Chanut, en fustigeant le « paritarisme de connivence ».