Le parquet national financier (PNF) estimait qu’Altran et ses anciens dirigeants méritaient encore une sanction pénale. | JACQUES DEMARTHON / AFP

C’est l’épilogue de l’affaire Altran, qualifiée de « petit Enron à la française ». Le tribunal correctionnel de Paris a refusé, jeudi 30 mars, de condamner Altran et plusieurs anciens dirigeants parce qu’ils avaient déjà été sanctionnés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour des malversations vieilles de quinze ans.

Ce « petit Enron à la française », en référence à l’un des plus grands scandales comptables de l’histoire des Etats-Unis, avait depuis longtemps tourné au ratage judiciaire avec valse des juges d’instruction et procédure bâclée. L’affaire Enron, qui avait éclaté peu ou prou au même moment que le scandale Altran, avait connu son épilogue judiciaire dès 2006. L’ancien PDG d’Enron avait été condamné à un peu plus de vingt-quatre ans de détention, une peine par la suite réduite à quatorze ans.

Le tribunal correctionnel de Paris s’est montré plus clément envers Altran et plusieurs de ses anciens dirigeants, dont ses fondateurs Alexis Kniazeff et Hubert Martigny, en soulignant notamment qu’ils n’avaient pas eu affaire à la justice depuis les faits, remontant à 2001 et 2002. Il a prononcé une relaxe, une condamnation mais assortie d’une dispense de peine et une peine de trois mois de prison avec sursis.

Le PNF pas suivi dans ses réquisitions

Le parquet national financier (PNF) estimait, au contraire, que le gonflement artificiel du chiffre d’affaires d’Altran de plusieurs dizaines de millions d’euros en 2001 et au premier semestre 2002 méritait encore une sanction pénale. Contre les deux fondateurs septuagénaires, et contre deux autres anciens membres de l’état-major d’Altran, Frédéric Bonan et Michel Friedlander, le PNF avait requis deux ans de prison avec sursis, et 375 000 euros d’amende chacun.

La décision du tribunal est conforme à la décision du Conseil constitutionnel de mars 2015, traduite ensuite dans une loi, qui interdit de punir deux fois les mêmes faits, devant l’AMF et devant un tribunal. Cette décision elle-même découle d’un grand principe juridique, celui du non bis in idem (pas deux fois pour la même chose), consacré par le droit européen.

Pour ce qui concerne Altran, cinq des huit prévenus qui ont comparu devant le tribunal de Paris avaient été sanctionnés en 2007 par l’AMF pour des montants allant de 500 000 à 1,5 million d’euros pour la société elle-même.

Infractions constituées mais action publique éteinte

Donnant lecture d’une partie du jugement, le président a estimé que les infractions pénales de « faux et usage de faux », « diffusion d’informations trompeuses » et « comptes inexacts », passant par l’émission de fausses factures et la « tenue rigoureuse d’une double comptabilité », étaient « parfaitement constituées ».

Mais, pour le tribunal, il n’en faut pas moins considérer que l’action publique est « éteinte » après la sanction de l’AMF. Par conséquent, les agissements des prévenus concernés par cette sanction « ne peuvent donner lieu à une nouvelle déclaration de culpabilité », a dit Olivier Géron.

Ce même président a récemment prononcé une relaxe générale dans une spectaculaire affaire de fraude fiscale impliquant les héritiers de la riche famille de marchands d’art Wildenstein.