D’autres rassemblements ont eu lieu, jeudi 30 mars, dans des grandes villes comme Marseille, Toulouse et Grenoble. | MARTIN BUREAU / AFP

Moins d’un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle, plusieurs centaines de retraités ont défilé, jeudi 30 mars, dans les rues de la capitale. Réunis derrière une banderole « Les retraités ne sont pas des nantis », ils ont répondu à l’appel de neuf organisations syndicales et associations (CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, FGR-FP, Solidaires…) pour interpeller les candidats sur la baisse de leur pouvoir d’achat et réclamer une hausse de leurs pensions qui stagnent depuis cinq ans. La dernière revalorisation, effectuée en octobre 2015, était de 0,1 %… D’autres rassemblements ont eu lieu dans des grandes villes comme Marseille, Toulouse et Grenoble.

A Paris, croisée à proximité de la gare du Nord, Dhabia, non encartée, est venue manifester seule. Avec une retraite de 800,05 euros par mois, cette ancienne employée de cantine scolaire – à mi-temps – a bien du mal à boucler les fins de mois. Pour y parvenir, elle « rogne » sur toutes les dépenses, notamment celles qui concernent la santé et la nourriture. Elle n’a pas de mutuelle et, pour les courses, s’arrange pour débarquer à la fin des marchés lorsque les commerçants bradent ce qu’il reste sur leurs étals. « Je vois des mères de famille ramasser les fruits et légumes jetés à la fin, mais, moi, je n’ose pas. »

Mère de six enfants, à 62 ans, elle en héberge encore trois. Sa « fille de 31 ans qui est au RSA », son fils de 21 ans handicapé et un autre de 24 ans, détenteur d’un BTS en architecture et actuellement en recherche d’emploi. « Quand mon fils ouvre le frigo et qu’il dit : “il n’y a rien à manger dans cette baraque”, moi, ça me fait de la peine », dit-elle, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil.

Si elle s’est déplacée aujourd’hui, c’est surtout parce qu’elle a le sentiment que les retraités comme elle sont devenus « invisibles ». « Beaucoup de gens pensent qu’on a forcément des cheveux blancs et qu’on vit aux frais de la princesse, mais on a travaillé toute une vie pour avoir cette retraite. »

Jean-Claude, Dominique et Alain, tous trois anciens enseignants et militants à la FSU (de gauche à droite).

« Un mois de pension pour la mutuelle »

« La retraite n’est pas une aumône », mais le fruit de « plusieurs dizaines d’années de travail », a également défendu dans la matinée l’intersyndicale lors d’une conférence de presse, organisée au siège de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les pensions indexées sur l’inflation n’ont pas été revalorisées depuis cinq ans, ont-ils rappelé, demandant un retour du calcul des pensions sur les salaires.

C’est ce que Gisèle, 71 ans, réclame car, elle aussi, voit son pouvoir d’achat diminuer. Ancienne salariée d’EDF et encartée à la CGT, elle touche 1 200 euros de pension. C’est un peu plus que ce que reçoivent en moyenne les femmes en France : 993 euros, soit 40 % de moins que les hommes (1 306 euros). Comme Dhabia, elle « fait attention ». Diabétique, elle veille notamment à ne jamais prendre rendez-vous chez un spécialiste qui pratique des dépassements d’honoraires. Et bien qu’elle soit encore autonome, elle sait d’ores et déjà qu’elle n’aura jamais les moyens de débourser 2 000 euros par mois pour un Ephad.

Les dépenses de santé représentent une grosse partie du budget des retraités. « Chaque année, ma mutuelle me coûte un mois de pension de retraite », a ainsi calculé Jean, 69 ans, ancien salarié du bâtiment et de la fonction publique. Avec 1 100 euros par mois, il « consomme quand [il] a vraiment besoin », mais il n’est pas « dépensier », dit-il.

Quant à la présidentielle ? Ça ne l’intéresse pas. « Les politiques ne parlent pas beaucoup des retraités », relève pour sa part Gisèle tout en insistant sur la nécessité de ne pas s’abstenir. Sauf que, à J – 24 avant le scrutin, elle ne sait toujours pas quel bulletin elle glissera dans l’urne. « C’est bien la première fois », lance-t-elle. Avant d’ajouter, en haussant les épaules : « Ce n’est pas clair comme d’habitude »

« Pour ceux qui sont moins bien lotis »

Un badge FSU collé sur le torse, Alain, 64 ans, et Jean-Claude, 66 ans, savent, eux, déjà pour qui ils voteront : le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Tous deux anciens enseignants, ils regrettent que la question des retraités soit autant « absente dans le débat alors qu’on représente une frange importante de la population », précisément 16 millions de personnes.

« Aujourd’hui, on est là pour ceux qui sont moins bien lotis que nous », reconnaît Jean-Claude. Avec 3 000 euros de pension mensuelle, cet ancien professeur en génie mécanique vit bien, certes, mais il doit faire face à de grosses dépenses : la maison de retraite de sa mère à laquelle il participe à hauteur de 850 euros. « Jusqu’à cette année », il donnait aussi 1 000 euros par mois à sa fille, étudiante en médecine. « Et je ne suis pas un cas particulier », tient-il à préciser.

Giovanni, 75 ans, et Bernard, 68 ans, tous deux anciens salariés chez Renault.

Rencontré un peu plus loin sur le boulevard Magenta, Giovanni, 75 ans, ancien employé chez Renault, donne, lui, chaque mois 650 euros à son ex-épouse, soit 32,5 % de sa retraite. Et, il assure, avoir perdu « 27 % de pouvoir d’achat depuis 2002 ». « Les retraités ne bougent pas. Ils sont complexés de toucher une retraite, mais on n’a payé des cotisations pour ça ! », s’agace ce militant socialiste. Avant d’ajouter : « Avec la robotisation, on a perdu beaucoup d’emplois. Il faudrait un autre système pour financer les retraites, car il n’y a plus suffisamment de gens qui travaillent. »

Pour dresser un état des lieux précis de la situation des retraités français, l’intersyndicale a lancé depuis un moins une consultation nationale. A ce jour, elle dit avoir reçu 10 000 questionnaires. Autant d’informations qui permettront peut-être d’alerter le gagnant de l’élection présidentielle.