Wilbur Ross, avecDonald Trump. Le secrétaire au commerce doit mettre en musique le décret visant à lancer un audit sur la structure du déficit commercial américain. | Drew Angerer / AFP

Enième gesticulation ou bien tentative de remise à plat radicale des relations avec ses principaux partenaires commerciaux ? En tout cas, Donald Trump devait signer, vendredi 31 mars, un décret visant à lancer un audit sur la structure du déficit commercial américain. Cette initiative vise à identifier « toutes les formes d’abus commerciaux et toutes les pratiques non réciproques qui contribuent actuellement au déficit commercial américain », a expliqué le secrétaire au commerce, Wilbur Ross, au cours d’une conférence de presse la veille.

Il s’agit de lister pays par pays et produit par produit les caractéristiques des échanges avec les partenaires qui réalisent les plus importants excédents avec les Etats-Unis. Une douzaine de pays seront concernés, parmi lesquels la Chine, l’Allemagne, le Japon, le Mexique, l’Inde ou bien encore la France. Cet audit devrait durer 90 jours au terme desquels la Maison Blanche veut disposer d’une base de réflexion concrète sur les décisions qui pourraient être prises afin de résorber le déficit commercial américain. L’intention est d’éviter de traiter le sujet de façon « désinvolte », mais de « prendre une approche très mesurée et analytique pour étudier le problème et développer des solutions », a souligné M. Ross, qui a précisé que cette revue d’ensemble ne déboucherait pas forcément sur des mesures de rétorsion.

Donald Roos a précisé que cette revue d’ensemble ne déboucherait pas forcément sur des mesures de rétorsion

Il s’agit d’un discours beaucoup plus pragmatique que celui tenu pendant la campagne électorale de Donald Trump, lorsque ce dernier jurait vouloir renégocier les principaux traités commerciaux, tout en accusant la Chine de manipuler les taux de change. M. Ross a ainsi rappelé que tous les traités n’étaient pas forcément mauvais. Lorsque, par exemple, les Etats-Unis ne peuvent pas produire suffisamment pour satisfaire la demande, ou bien quand des produits sont fabriqués à moindre coût ou à une qualité supérieure à l’étranger, recourir à des importations peut se révéler nécessaire, a-t-il insisté. L’évaluation des échanges prendra également en compte le niveau d’investissement que les partenaires commerciaux réalisent sur le sol américain. En revanche, l’audit ne devrait pas se focaliser sur les manipulations des taux de change, un domaine qui reste du ressort du secrétariat au trésor, a précisé M. Ross.

Un second décret sur les mesures antidumping

Le secrétaire au commerce a affirmé que les Etats-Unis ont à ce jour les droits de douane les plus bas parmi l’ensemble des pays développés. L’initiative lancée vendredi a pour but de déterminer les cas potentiels de « triche », d’identifier les aspects sur lesquels les accords commerciaux n’ont pas su tenir leurs promesses ou bien encore pointer les règlements qui n’ont pas été respectés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

M. Trump va signer vendredi un second décret concernant les mesures antidumping. Ce texte vise à optimiser la collecte des taxes qui sont censées être appliquées lorsqu’un pays vend des produits en dessous de son coût de production. Selon Peter Navarro, le directeur du Conseil national du commerce de la Maison Blanche, les Etats-Unis laisseraient actuellement filer plusieurs milliards de dollars en n’appliquant pas strictement les textes en vigueur. Le décret vise à rendre leur application plus efficace.

Les Etats-Unis ont enregistré en 2016 leur plus important déficit commercial depuis quatre ans avec un solde négatif de 502,3 milliards de dollars. Une situation que M. Trump ne cesse de dénoncer, affirmant que cette situation pèse sur la croissance de l’économie américaine, tout en conduisant à la fermeture d’usines et à la destruction de millions d’emplois. De nombreux économistes considèrent toutefois que ces destructions d’emplois sont essentiellement dues à la robotisation de la production et aux gains de productivité.

Moins de critiques contre l’Alena

La signature de ces deux décrets intervient à quelques jours de la visite aux Etats-Unis du président chinois XI Jinping, qui doit se rendre les 6 et 7 avril dans la résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago en Floride. Le président a planté le décor de cette rencontre en prévenant sur son compte Twitter qu’elle serait « très difficile ». Le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine s’est élevé en 2016 à 347 milliards de dollars. « Nous ne pouvons pas avoir plus longtemps des déficits commerciaux massifs et des pertes d’emplois », prévient-il, avant d’ajouter : « Les entreprises américaines doivent se tenir prêtes à réfléchir à des pistes alternatives. »

En revanche, concernant le traité de libre-échange nord-américain (Alena), l’administration Trump semble mettre un peu d’eau dans son vin. Elle a transmis jeudi au Congrès une liste de pistes de renégociation de l’accord qui est plutôt limitée. La Maison Blanche demande simplement le droit de rétablir des taxes sur les importations mexicaines et canadiennes lorsque celles-ci entraîneraient une « menace de dommages graves » pour l’industrie américaine. Il est également question de supprimer une clause de l’Alena qui prévoit le renvoi devant une commission d’arbitrage des litiges portant sur des allégations de dumping ou de subventions illicites. Mais globalement, l’architecture du traité n’est pas remise en cause. Au cours de la campagne présidentielle, M. Trump avait pourtant appelé à abroger l’Alena, qu’il avait qualifié de « véritable désastre ».