Il y a le miracle ivoirien – ou du moins un début d’émergence économique… et l’envers du décor. Avec une croissance moyenne de 9 % par an depuis 2012, la Côte d’Ivoire attire des investisseurs du monde entier, venus redécouvrir son potentiel après une décennie de conflits et d’instabilité politique. Mais derrière ces chiffres porteurs d’espoirs, le pays, que certains voudraient déjà appeler « le tigre africain », connaît une pauvreté alarmante. Près de la moitié de la population vit avec moins de 450 francs CFA (69 centimes d’euro) par jour.

A Abidjan, le rebond spectaculaire et la politique de grands travaux menées par les nouvelles autorités voudraient faire oublier les perturbations passées. Mais toutes les plaies n’ont pas cicatrisé. Une partie de la population, marquée par la guerre civile, vit dans les bas-fonds de la capitale économique, où prospèrent trafiquants de drogues, maquereaux et prostituées. Des orphelins, des enfants des rues, des hommes et des femmes rejetés par leurs familles ou stigmatisés par la société ont sombré dans la drogue et l’amour tarifé.

Le fort taux de croissance n’a pas freiné les activités criminelles et la contrebande, au contraire. Investisseurs et bailleurs de fonds internationaux, en remettant la Côte d’Ivoire dans l’économie globalisée, ont apporté involontairement leur lot de trafics en tous genres, du proxénétisme marocain à la contrebande de médicaments indiens ou chinois, en passant par le narcotrafic nigérian. L’inertie des autorités, l’absence de dispositifs répressifs et de réponses sociales à ces nouveaux fléaux ont laissé le champ libre aux réseaux de criminalité organisée.

Pour donner la parole à ces oubliés du développement et dépeindre leur quotidien, notre reporter Ghalia Kadiri s’est rendue dans ces lieux défendus, ravagés par la misère et le désespoir, pourtant situés en plein cœur d’Abidjan.

Coup de filet des « stups », le 28 mai 2013, à Abidjan. | ISSOUF SANOGO/AFP

Au fil des épisodes de cette série inédite, nous visiterons un bordel exclusivement réservé aux prostituées marocaines et à leurs clients arabes. Nous suivrons l’une d’entre elles lors d’une soirée en compagnie de diplomates saoudiens. Et nous découvrirons une nouvelle pratique, le « bizi », qui voit des Ivoiriennes pauvres vendre leur corps. Ce sera aussi l’occasion de raconter la vie d’une centaine de toxicomanes sans-abri, vivant dans un ghetto pour personnes marginalisées. Ils sont victimes d’un narcotrafic mené par une mafia nigériane puissante et internationalisée, qui a rendu au passage une part de la population fortement dépendante aux drogues, alors que la Côte d’Ivoire n’était, pendant plusieurs années, qu’une zone de transit pour le commerce de stupéfiants destinés au marché européen. Enfin, nous vous emmènerons au cœur d’une pharmacie sauvage, à ciel ouvert, où la vente de médicaments de rue a engendré un problème de santé publique dans le pays.