Environ 200 personnes ont manifesté dimanche 2 avril devant le siège de Bombardier à Montréal (Canada). La foule, scandant « Honte à Bombardier », voulait faire part de sa colère après l’annonce d’une augmentation de près de 50 % des revenus de six dirigeants du groupe aéronautique. Un groupe qui a demandé ces dernières années des centaines de millions de dollars d’aides publiques, mettant en avant ses difficultés financières.

L’enveloppe de salaires pour les six dirigeants est passée de 21,9 millions de dollars américains en 2015 à 32,6 millions en 2016. En février 2016, Bombardier avait annoncé la suppression de 7 000 emplois. En octobre, un nouveau plan prévoyait la disparition de 7 500 emplois supplémentaires dans le monde.

D’après un sondage en ligne pour Le Journal de Montreal, 93 % des Québecois s’opposent à cette hausse salariale. « C’est le taux de désaccord le plus élevé que nous ayons jamais enregistré dans une étude de ce type », a précisé Jean-Marc Léger de l’institut en charge du sondage. « Les jeunes, les vieux, les anglophones, les francophones… la population est quasiment unanime sur ce sujet », a-t-il ajouté.

La vague d’indignation a déjà poussé Pierre Beaudoin, le président du conseil d’administration du groupe, à renoncer à son augmentation. Dimanche, il a été suivi par les cinq autres dirigeants concernés. Le PDG Alain Bellemare a fait savoir dans un communiqué que « plus de 50% de la rémunération totale prévue pour 2016 sera reportée à 2020 ».

Une hausse de salaires justifiée selon Bombardier

En 2016, Bombardier a reçu 1 milliard de dollars américains d’investissement de la part du gouvernement québecois auxquels se sont ajoutés 372,5 millions de dollars de prêt de l’Etat canadien en février.

Justin Trudeau a été interrogé sur le sens d’une telle aide publique. « Nous respectons l’économie de marché et les choix des entreprises », a répondu le premier ministre canadien. « Mais nous devons aussi nous assurer que les investissements que nous faisons avec l’argent des contribuables mènent à des emplois bien payés, à de la croissance et à un impact pour la classe moyenne ».

Une partie des manifestants mettait en cause Philippe Couillard, leader du parti libéral et premier ministre du Québec. Une pancarte appelait à sa démission. Une autre le représentait tout sourire, une maison faisant un doigt d’honneur, l’autre tenant le drapeau québecois. Présent au rassemblement, lancé sur Facebook, Jean-Marc Fournier, un de ses ministres a été hué. Devant la presse, il a souhaité que le fleuron de l’industrie canadienne « [revoit] sa décision ».

Dan un communiqué, l’association internationale des machinistes et travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) a prévenu qu’il fallait désormais « agir de façon à ce que cette problématique ne se reproduise plus ». Son représentant québécois David Chartrand a jugé que « le gouvernement libéral (du Québec) a commis des erreurs » lorsqu’il a offert à Bombardier des liquidités « sans imposer les conditions nécessaires quant à l’utilisation des fonds ».

Dimanche, Jean Monty, le responsable des ressources humaines chez Bombardier, a justifié cette hausse significative des salaires dans une tribune publiée par The Globe and Mail. Selon lui, la capacité de l’entreprise à être compétitive dans un marché global « dépend de [sa] capacité à attirer et retenir une équipe de dirigeants de niveau mondial ». M. Monty souligne également que 75 % de ces revenus ne sont pas garantis car liés aux performances de Bombardier.