Des traces régulières de coups de coûteau sur une côte. | https://historicengland.org.uk/

Une étude archéologique de l’université de Southampton et de la fondation Historic England, parue le 3 avril dans le Journal of Archeological Science, dévoile que, dans l’Angleterre du Moyen Age, la peur du retour des morts poussait certains villageois à couper, briser et brûler des squelettes pour être bien sûr qu’ils restent à leur place, dans leur tombe.

Avec cette découverte, les scientifiques rappellent non seulement que la peur de voir les morts revenir hanter les vivants a ses racines dans l’époque médiévale, mais surtout qu’ils ont désormais la preuve qu’une telle pratique existait bien en Angleterre, alors qu’elle était, selon le Guardian, « commune dans le folklore de nombreuses régions du monde ».

Autochtones mutilés peu après leur mort

Pour arriver à cette conclusion, ils ont étudié 137 ossements brisés d’hommes, de femmes et d’enfants datant d’entre le XIe et le XIVe siècle, retrouvés dans les années 1960 dans le village de Wharram Percy, dans le nord du Yorkshire.

Les coupures et brûlures sur les crânes, les membres brisés et les décapitations seraient des mutilations volontaires pour empêcher les cadavres de marcher, et d’attaquer les vivants ou de propager des maladies.

Depuis leurs découvertes, d’autres hypothèses pouvant expliquer ces mutilations ont été envisagées : cannibalisme en temps de famine, massacre d’ennemis ou de personnes étrangères au village. Elles ont été démenties par des nouveaux éléments car « les coupes réalisées sur les corps » ne correspondent pas aux endroits où l’on aurait coupé pour les consommer. Par ailleurs, les traces de mutilations suggèrent qu’elles ont été réalisées peu après la mort.

L’étude des dents révèle que les squelettes étaient bien ceux d’autochtones. On a d’abord cru qu’ils auraient pu appartenir à des Romains installés dans la région bien antérieurement.

Mais il n’en est rien, et c’est bien l’hypothèse la plus lugubre qui doit être retenue. Alistair Pike, professeur d’archéologie à Southampton, pense que certaines des victimes mutilées « ont grandi près de l’endroit où elles sont enterrées, peut-être dans le village lui-même. Cela nous a surpris, car nous avons d’abord cru que ce traitement inhabituel des corps venait du fait qu’elles n’étaient pas de la région. »

A chacun ses « remèdes » brutaux

Reconstitution de Wharram Percy au XIIe siècle. | https://historicengland.org.uk/

Pour le biologiste Simon Mays, si cette hypothèse s’avérait fondée, il s’agirait de la première preuve de ce genre de pratiques en Angleterre. A la même époque, notamment dans le nord de l’Europe, des « remèdes » brutaux étaient utilisés pour lutter contre les morts qui voudraient se remettre à marcher.

On pensait que ces derniers avaient été « maudits » pendant leur vie et cherchaient à se venger sur les vivants. Rouvrir les tombes et les décapiter était censé éviter d’en arriver là. Chaque région avait sa spécialité. En Ecosse, ce sont le retour à la vie d’enfants assassinés qui terrorisait la population.

Le village de Wharram Percy, dont il ne reste que les ruines de l’église et quelques maisons, est l’un des sites archéologiques les plus précieux de l’Angleterre médiévale. Il offre l’un des nombreux exemples de lieux complètement abandonnés à cause de la peste, de départs massifs vers les villes ou de changements de pratiques agricoles.

C’est en tout cas les hypothèses des historiens. Simon Mays pense que le travail archéologique de son équipe peut, comme ici, « fournir des détails cruciaux absents des archives historiques ».