Une station Vélib’ à Paris. Dans la capitale, 300 000 abonnés se partagent les 17 000 vélos présents sur plus de 1 200 bornes. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

La lutte entre le vélo et l’automobile dans la capitale n’est pas une affaire nouvelle. « Dans Paris à Vélo on dépasse les autos », chantait déjà Joe Dassin en 1972 dans sa Complainte de l’heure de pointe. Deux innovations majeures ont eu raison de l’indécrottable attachement du parisien à sa guimbarde, les pistes cyclables et le vélo en libre-service. Et on le doit en grande partie au pionnier JCDecaux qui a su imposer son Vélib’. 300 000 abonnés se partagent les 17 000 vélos présents sur plus de 1 200 bornes et plébiscitent ce mode de transport quasi gratuit.

Et voilà que la Mairie de Paris vient de signifier son congé au pionnier, pourtant associé aux mastodontes du service public, la RATP et la SNCF, au profit d’une start-up de Montpellier qui n’a même pas l’âge du service Vélib’, installé en 2007. Le géant de la publicité et du mobilier urbain, innovateur reconnu, humilié par un galopin qui promet de tout révolutionner.

JCDecaux hurle au dumping social

JCDecaux hurle au dumping social et promet bien sûr de se battre. Il reste que cette déconvenue signe une forme d’échec. Car le système coûte cher. Selon l’économiste Frédéric Héran, il s’élèverait à près 4 000 euros par vélo et par an, dont la moitié couvrant l’approvisionnement permanent des stations libres et un tiers en frais de réparation. Le vandalisme est considérable avec plusieurs milliers de vols par an et le déploiement en banlieue est d’autant plus onéreux qu’il est moins rentable. Plus le service s’étend et gagne des clients, plus il coûte cher.

C’est aussi ce que l’on constate avec le service similaire de partage de voitures électrique, Autolib’. L’équilibre qui devait intervenir au seuil des années 2020 a été repoussé aux calendes grecques. Avec la formation d’un cercle vicieux : plus le nombre d’abonnés augmente plus il faut investir dans l’infrastructure pour éviter la baisse du taux d’utilisation due à l’engorgement du système.

Face à la dégradation du modèle économique, ce sont les municipalités qui sont mises à contribution, ou les utilisateurs. Les premières trouvent l’addition de plus en plus salée au regard de l’usage, que ce soit pour le Vélib’ou l’Autolib’. Les clients eux réagissent aux augmentations de prix en allant voir ailleurs, par exemple du côté des VTC. D’autant que beaucoup ont les moyens de le faire car ils sont en majorité des cadres citadins.

Le vieux rêve d’une économie de l’usage ou chacun abandonnerait la propriété de sa voiture ou de son vélo pour se contenter de son utilisation en prend un coup. Comme on le constate tous les jours avec la SNCF, les économies de réseau sont délicates et même si elles sont envisagées comme un service public, qui y voit un moyen de réduire les nuisances de la voiture en ville, elles ne peuvent s’extraire des contraintes économiques. Et doivent en permanence s’interroger sur l’impact financier, social et écologique de leurs décisions.