« Ni de droite ni de gauche » pour Emmanuel Macron, « UMPS » pour Marine Le Pen, les candidats à l’élection présidentielle n’en finissent pas de critiquer le clivage gauche-droite. Caractéristique de la vie politique française depuis deux siècles, il a souvent été considéré comme dépassé et obsolète. Mais, au regard des programmes des candidats, l’est-il réellement ?

Pourquoi la droite et la gauche ?

Il faut remonter à la Révolution pour comprendre la séparation entre droite et gauche. En 1789, lorsque les députés ont eu à décider si le roi pourrait bloquer les lois votées par l’Assemblée, les royalistes, partisans de la monarchie, se sont placés à droite de l’hémicycle, les autres à gauche. Durant la majeure partie du XIXsiècle, la droite désigne ainsi les partisans d’un retour à la monarchie ; et la gauche regroupe les libéraux, républicains et défenseurs des libertés individuelles.

Ces catégories sont ensuite entrées dans la tradition pour désigner les deux grandes familles politiques françaises. Après la question du régime politique, puis de la place de la religion, les lignes de fracture se concentrent autour des questions sociales. A la fin du XIXe siècle, la gauche défend, sous l’influence des théories de Karl Marx, la classe ouvrière, quand la droite défend la bourgeoisie capitaliste. Le clivage n’a cependant jamais été figé. Ainsi, la droite actuelle est l’héritière, entre autres, de Jules Ferry… alors que ce sont les candidats de gauche qui présentent actuellement des mesures pour renforcer l’école gratuite, laïque et obligatoire.

Aujourd’hui, on prête notamment à la gauche les valeurs d’égalité, de progrès, d’humanisme, de justice sociale, de tolérance ou encore de solidarité. Quant à la droite, elle privilégie les valeurs de liberté, de famille, de réussite individuelle par le travail, d’autorité, de nation… Elle défend généralement l’ordre établi et la tradition – c’est pourquoi on la dit conservatrice – quand la gauche est plutôt favorable au « mouvement » de la société et est qualifiée de progressiste.

Retrouve-t-on ces différences dans les programmes des candidats ?

Plusieurs sujets de campagne témoignent de la vivacité du clivage dans les programmes des candidats. En voici quelques exemples :

  • L’immigration

François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen sont les plus présents sur les thématiques identitaires (immigration, intégration). Ils s’inscrivent dans la philosophie de droite, sensible à la protection de la nation. Ils sont ainsi les seuls à vouloir réduire l’immigration et durcir les conditions d’attribution de la nationalité.

A gauche, le mot « immigration » n’apparaît même pas dans les programmes. A des degrés divers, de Nathalie Arthaud à Benoît Hamon, les candidats plaident plutôt pour de meilleures conditions d’accueil des migrants au nom du principe de solidarité et des moyens supplémentaires dévolus à l’intégration.

  • La sécurité

Là encore, sans surprise, le sujet est parmi les priorités des candidats de droite, en raison de la place qu’ils accordent aux principes d’ordre et d’autorité. Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et François Fillon sont, par exemple, les seuls à proposer le durcissement des sanctions judiciaires ou de la justice des mineurs.

A gauche, les candidats préfèrent parler de peines alternatives et surtout de réinsertion des détenus. L’idée sous-jacente est que la responsabilité est avant tout collective et donc que la société se doit de réintégrer ceux qui ont enfreint les lois.

  • L’école

Tous les candidats en font une priorité. Mais de Nathalie Arthaud à Benoît Hamon, il s’agit de renforcer le service public de l’éducation. Fidèles aux principes de la gauche, ils souhaitent avant tout garantir l’égalité sur l’ensemble du territoire dans l’accès à l’éducation et dans le contenu des enseignements délivrés. Ils sont les seuls à envisager de contraindre l’affectation des élèves, y compris dans les établissements privés.

A droite, à l’inverse, Marine Le Pen ou François Fillon voient « l’égalitarisme » comme une source d’échec et sont pour plus de liberté dans le choix des parcours. Le candidat Les Républicains veut ainsi laisser plus d’autonomie aux établissements en termes de recrutement et d’accompagnement des élèves. Sans rejoindre Marine Le Pen sur la fin du collège unique, tous deux veulent massivement développer l’apprentissage plus jeune. Ils sont aussi les seuls, avec Nicolas Dupont-Aignan, à mettre l’accent sur le rétablissement de l’autorité.

  • La place de l’Etat

Le thème anime les programmes des candidats de gauche. Pour eux, l’Etat doit garantir l’égalité et la justice sociale, d’où leurs propositions pour améliorer la redistribution des richesses grâce au système d’impôt, faire intervenir l’Etat pour réguler l’économie, accroître les protections sociales.

A l’inverse, la droite accorde plus d’importance à la réussite individuelle. C’est pourquoi un candidat comme François Fillon se refuse à taxer les plus riches (en supprimant l’ISF) et sera plus enclin à affaiblir des protections pour libérer l’activité des entreprises, qu’il juge entravée par une place trop importante de l’Etat dans l’économie.

Y a-t-il des sujets où le clivage traditionnel est moins pertinent ?

C’est dans ce sens qu’Emmanuel Macron place sa candidature. Mais son positionnement « ni à droite ni à gauche » vise davantage à contourner la méfiance des citoyens vis-à-vis du politique qu’à s’extraire réellement du clivage. Il ne dépasse pas les deux familles politiques, mais emprunte tour à tour à l’une et à l’autre. Proche de François Fillon par ses positions libérales sur l’économie, il souhaite aussi maintenir, voire étendre, les protections contre les risques sociaux. Il reprend des mesures sécuritaires de la droite mais est plus proche de la gauche sur les questions identitaires.

Le clivage Europe-Nation

En revanche, certaines questions dépassent effectivement la fracture traditionnelle. C’est le cas de l’enjeu européen, qui occupe une place centrale dans les programmes politiques. Au-delà des catégories de droite et gauche, certains candidats veulent revenir à une souveraineté nationale et s’opposent aux partisans d’un approfondissement de l’intégration européenne. Pour des raisons différentes et à des degrés variables, Jean-Luc Mélenchon rejoint ainsi Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, Jean Lassalle et Jacques Cheminade pour dire que la France doit retrouver des marges de manœuvre dans l’Union, et/ou la quitter. A l’inverse, ni Emmanuel Macron, ni Benoît Hamon, ni François Fillon, pourtant peu d’accord par ailleurs, n’envisagent de sortir de l’Union européenne.

La montée de l’extrême droite

La montée d’une « troisième force » à l’extrême droite brouille encore davantage les notions de droite et de gauche. Marine Le Pen adopte des valeurs traditionnelles de la droite (l’autorité, la tradition, la famille, etc.), mais elles ne sont pas les plus pertinentes pour comprendre son programme. Son ADN politique est avant tout nationaliste et souverainiste, comme celui de François Asselineau ou de Nicolas Dupont-Aignan, et leurs propositions économiques et sociales en découlent.

Un exemple : la candidate du Front national souhaite l’allégement des « contraintes réglementaires, juridiques, qui sanctionnent la réussite, qui découragent l’initiative » pour encourager l’activité des entreprises. Elle n’est pas pour autant libérale au sens où l’est la droite de François Fillon. Elle est plutôt partisane d’un « patriotisme économique » et d’un « libéralisme national ». Autrement dit, donner plus de liberté d’action aux entreprises, mais dans le strict cadre national protégé par une monnaie nationale, un protectionnisme économique, une régulation de l’embauche de salariés étrangers et un contrôle des investissements étrangers.

Accroître l’enseignement du français à l’école (pas forcément pour plus de réussite mais pour exalter l’identité française), réduire drastiquement l’immigration, durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française, réduire l’accès à la protection sociale pour les étrangers… Ce nationalisme explique mieux la majeure partie de son programme que les valeurs traditionnelles de la droite ou de la gauche.

Une « nouvelle » fracture qui, si la candidate du Front national passe le premier tour de l’élection présidentielle, pourrait se retrouver au premier plan des débats et déplacer les curseurs du clivage politique.

Que proposent les candidats ?

Les Décodeurs ont compilé près de 3 000 promesses émises par les 11 candidats à l’élection présidentielle 2017, réunies dans 80 thèmes pour permettre une comparaison des positions de chacun sur tel ou tel sujet.

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