Nikki Haley, la représentante des Etats-Unis à l’ONU, à New York, le 4 avril. | BRENDAN MCDERMID / REUTERS

L’attaque chimique du 4 avril imputée au régime syrien a contraint Washington à durcir soudainement le ton vis-à-vis de Bachar Al-Assad. « L’attaque chimique d’aujourd’hui en Syrie contre des personnes innocentes, y compris les femmes et les enfants, est répréhensible et ne peut être ignorée par le monde civilisé », a assuré Donald Trump dans un communiqué publié en début d’après-midi.

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni proposent au Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution condamnant l’attaque chimique, qui devrait être soumise au vote mercredi 5 avril. Elle demande qu’une enquête soit conduite par le mécanisme d’enquête conjoint ONU-OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques), et que le régime fournisse les plans de vol. « Le double défi est de convaincre les Russes mais aussi de ré-engager les Américains, explique François Delattre, le représentant français à l’ONU. Nous n’aboutirons pas – ni sur cette tragédie chimique ni sur un règlement politique en Syrie – si les Etats-Unis ne mettent pas tout leur poids dans la balance. Ils ne peuvent pas continuer ainsi à rester aux abonnés absents. »

Assad, « criminel de guerre »

Ce recours par Damas à des armes non conventionnelles ne pouvait pas plus mal tomber pour la diplomatie américaine. Au nom du réalisme, cette dernière s’était désengagée du débat sur le sort du président syrien une semaine plus tôt. En visite en Turquie, le 30 mars, le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, avait tout d’abord assuré que « le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien ». L’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, avait ajouté le même jour : « Notre priorité n’est plus de rester assis là, à nous concentrer pour faire partir Assad » – Washington donnait ainsi l’impression de s’accommoder désormais officiellement d’un maintien au pouvoir du chef de l’Etat syrien, en dépit des atrocités qui lui sont imputées. Mardi, elle a qualifié le président syrien de « criminel de guerre ».

Pressé par les médias, le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, a semblé revenir en arrière mardi. « Je pense qu’il est dans le plus grand intérêt du peuple syrien de ne pas avoir quelqu’un qui ferait le genre d’actes odieux, un chef qui traite ses concitoyens de cette manière, avec la mort et la destruction », a-t-il indiqué, tout en reconnaissant que les conditions n’étaient pas réunies – comme elles avaient pu l’être selon lui par le passé – en faveur d’un changement de régime.

La « ligne rouge » d’Obama

Dans son communiqué, M. Trump s’est également défaussé sur son prédécesseur. Il a assuré que « ces actions odieuses du régime de Bachar Al-Assad sont une conséquence de la faiblesse et de l’irrésolution de l’administration précédente ». « Le président Obama a déclaré en 2012 qu’il établirait une “ligne rouge” contre l’utilisation d’armes chimiques, puis il n’a rien fait », a ajouté M. Trump. M. Obama avait été sévèrement jugé pour avoir renoncé à intervenir en Syrie après une précédente attaque chimique, en août 2013. Pourtant, M. Trump avait estimé alors qu’une intervention américaine entraînerait « des choses très mauvaises » et que les Etats-Unis « ne gagneraient rien ».

A l’époque, l’administration Obama avait saisi la proposition russe visant à priver le régime syrien de ses stocks d’armes non conventionnelles. Mardi, M. Tillerson a appelé « la Russie et l’Iran, une fois encore, à exercer leur influence sur le régime syrien pour garantir que ce genre d’attaque atroce n’ait plus jamais lieu ».