Philippe Poutou : « Nous, quand on est convoqués, on n’a pas d’immunité ouvrière »
Durée : 01:45

Les onze candidats à l’élection présidentielle étaient supposés débattre, le 4 avril, en direct sur BFM-TV et sur CNews. Les 6,3 millions de téléspectateurs qui ont suivi l’émission de quatre heures ont pu entendre les candidats, dits « petits », absents des précédents débats hautement médiatisés.

Le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou, est un de ceux qui s’est le plus, et le mieux, fait entendre. En refusant de figurer sur la « photo de famille », en accusant Marine Le Pen et François Fillon de « piquer dans les caisses publiques », et en évoquant le refus de Marine Le Pen de se rendre aux convocations judiciaires :

« Nous, quand on est convoqués par la police, on n’a pas d’immunité ouvrière, on y va. »

Cette vidéo a été un des contenus les plus lus et partagés du jour sur Le Monde.fr, comme s’il représentait l’un des rares moments intéressants et sincères de ce débat. L’un des seuls, aussi, où quelqu’un a osé parler ouvertement des affaires judiciaires dans lesquelles Marine Le Pen et François Fillon sont impliqués.

Elle n’a pas plus plu à certains des éditorialistes invités sur BFM-TV pour commenter le débat. Anna Cabana, du Point, et Bruno Jeudy, de Paris Match, lui reprochent de s’être conduit de manière « irrespectueuse » : « Je ne pense pas qu’il mérite quelque honneur que ce soit », affirme Anna Cabana.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? En fait, ils sont choqués et déçus de constater que Philippe Poutou n’a pas observé les codes qui relèvent surtout d’une appartenance à la classe politique (le candidat NPA est ouvrier chez Ford), comme en témoigne l’énumération qui suit (un montage de la séquence est disponible sur le site du Huffington Post) :

  • il utilise un vocabulaire familier, lorsqu’il parle de la police qui « fait chier les jeunes » ;
  • il se « retrousse les manches » (il ne portait pas de costume, à la différence des autres candidats masculins) ;
  • Il se retourne pour parler avec des personnes dans le public, quand les autres restent droits derrière leur pupitre.

Tout cela contribue à faire le portrait d’un homme qui, selon les deux éditorialistes, n’a pas le « respect » que l’on attend d’un candidat. Camille Langlade, du service politique de BFM-TV, tempère néanmoins ce portrait à charge en ajoutant :

« Ce qui me gêne, dans ce que vous dites, c’est que sans Philippe Poutou on n’aurait peut-être pas eu une seule phrase sur les affaires. »

Bien sûr, ce n’est pas la première fois que les commentaires éditorialisants à l’antenne de BFM-TV interpellent et lancent l’habituel cycle d’indignation sur Twitter. Au début de l’affaire Fillon, l’éditorialiste Ruth Elkrief avait demandé au rédacteur en chef du Canard enchaîné, Louis-Marie Horeau, s’il avait l’intention de « feuilletonner longtemps » ce « poison lent » des révélations… avant d’évoquer l’exigence « un peu totalitaire » de transparence imposée aux politiques.

Dans une interview à L’Obs, Ruth Elkrief s’est défendue d’avoir pris parti et ne regrette pas ses propos, sauf quand elle a voulu dire sa « solidarité » avec Penelope Fillon : « Je voulais exprimer un sentiment. Cette phrase n’avait pas sa place dans le débat. »