En l’espace de quelques mois, les consommateurs auront remporté plusieurs victoires notables dans le domaine de la mobilité bancaire. Depuis le 6 février, en application de la loi Macron, les banques doivent s’occuper de toutes les formalités lorsqu’un client souhaite changer d’établissement, et ce, de manière automatisée et dans des délais limités.

Mais cette disposition laisse de côté les clients titulaires d’un emprunt immobilier qui se voient contraints de domicilier leur salaire dans la banque à l’origine du prêt. La plupart des institutions subordonnent en effet l’octroi du crédit à la centralisation, chez elles, des revenus de l’emprunteur.

Pour que le crédit immobilier ne soit plus un obstacle à la possibilité de changer de banque, le gouvernement a décidé d’encadrer cet aspect de la relation entre l’établissement et le client par le biais d’une ordonnance prévue par la loi Sapin 2.

Le projet d’ordonnance, dont Le Monde a obtenu copie, prévoit des avancées pour le consommateur. Il impose à la banque d’accorder à son client un avantage individualisé substantiel, si elle souhaite lui appliquer une clause de domiciliation. Il peut s’agir, par exemple, d’un taux particulièrement attrayant ou de la suppression des frais de dossier, l’avantage devant être mentionné dans le contrat.

Ensuite, cette contrainte de domiciliation sera limitée dans le temps. Un décret, qui sortira concomitamment à l’ordonnance, devrait fixer ce délai à dix ans : au-delà, l’avantage consenti au client lui sera acquis, même s’il dirige ses salaires vers une banque concurrente. « La durée moyenne initiale d’un crédit immobilier est de dix-huit à dix-neuf ans, et la durée effective, en tenant compte des renégociations et rachats de crédit, de treize à quatorze ans, indique-t-on à Bercy. Le consommateur va donc y gagner. »

Embouteillage de textes

Enfin, si le client décide de changer de banque avant l’échéance de cette période de dix ans, la pénalité seralimitée : le prêteur pourra ainsi « mettre fin à l’avantage individualisé » accordé à l’origine à son client. La banque pourra, par exemple, rétablir le taux d’intérêt avant ristourne, mais seulement pour la période du prêt restant à courir. « L’ordonnance consacre le fait qu’une clause de domiciliation ne signifie pas que le client est prisonnier de sa banque », estime-t-on au ministère des finances.

« C’est un tout petit pas », commente toutefois le député PS de l’Essonne Romain Colas, mobilisé sur la question lors de l’examen de la loi Sapin 2. « J’aurais souhaité, idéalement, que ces clauses de domiciliation imposées par les banques soient considérées comme abusives. »

Si l’ordonnance est adoptée en temps et en heure en conseil des ministres, puis déposée au Parlement, ces nouvelles pratiques devraient s’imposer aux banques à l’automne, pour les nouvelles offres de prêts (et les avenants). Mais, compte tenu de l’agenda chargé de cette fin de mandat, l’avenir de cette ordonnance pourrait finalement dépendre du bon vouloir du prochain gouvernement.

Le Conseil d’Etat, qui doit encore examiner ce projet d’ordonnance, est victime d’un embouteillage de textes, et d’autres dispositions pourraient être considérées comme prioritaires par Matignon. « L’arbitrage interministériel est encore en cours », assurait-on mardi 4 avril à Bercy.