Force ouvrière avait prévenu : la situation ne pouvait que s’aggraver. Voilà donc le Centre Pompidou qui entre dans son dixième jour de grève. L’assemblée générale du mercredi 5 avril a décidé de reconduire le mouvement au moins jusqu’à demain soir jeudi. Entamé le lundi 27 mars, le conflit contraint l’institution à rester fermée au public, le personnel de sécurité étant particulièrement touché. Il est mené par les deux syndicats majoritaires, FO et UNSA, et trouve son origine dans l’application de la loi Déontologie de 2016. Elle concerne notamment les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) et les oblige à titulariser tout leur personnel qui dérogerait au statut de la fonction publique.

Lire le compte-rendu : La grève paralyse le Centre Pompidou

Le Centre Pompidou, qui n’a pas la main sur les négociations, est la structure la plus touchée par cette législation : la plupart de ses salariés sont contractuels et non fonctionnaires. Ce changement de statut, bien qu’appliqué uniquement aux nouvelles recrues, provoquerait des chutes de salaires de 20 à 30 %, et un ralentissement des évolutions de carrière, dénoncent les grévistes.

Une légère avancée

Une légère avancée a été faite récemment pour les agents de catégorie C : même titularisés, leur salaire ancien, beaucoup plus favorable, serait maintenu. « Mais leur carrière serait ensuite complètement bloquée », s’indigne FO. Les négociations avec le ministère de la culture semblent donc s’enliser, après trois réunions tenues en vain. « C’est pourquoi les agents vont se rassembler demain matin [jeudi 6 avril] devant Matignon et demandent à y être reçus pour l’ouverture de négociations, annonce Jérome Legavre, secrétaire fédéral chargé de la culture à la Fédération FO de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle (FNEC-FP FO). Ils attendent un report de l’application de la loi afin de pouvoir négocier la garantie de maintien des acquis. Tous savent que c’est maintenant que ça se joue ».

Le corps des conservateurs n’est pas concerné par la loi, et pourra toujours se voir enrichi de spécialistes internationaux

Débat purement technique ? Il est, au contraire, très stratégique, souligne l’ancien président du Centre Pompidou, Alain Seban, dans une tribune parue le 31 mars sur le Huffington Post où il dit regretter la perte d’autonomie du Centre. Selon lui, le recours aux contractuels permet notamment « de s’attacher des compétences précisément adaptées aux profils de postes très spécifiques d’un grand musée d’art moderne et contemporain », précise-t-il, plaidant pour la possibilité d’embaucher des experts étrangers et de diversifier au mieux les talents des équipes.

Pas d’inquiétude, rétorquent certains : le corps des conservateurs n’est pas concerné par la loi, et pourra toujours se voir enrichi de spécialistes internationaux. Un autre ancien du Centre Pompidou, et ancien ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, est lui aussi intervenu publiquement pour plaider en faveur d’un report de la loi jusqu’à la fin de l’année. Il épouse sur ce point les revendications des syndicats, hormis la CGT qui est, elle, favorable à l’application de cette loi dont elle a poussé à la promulgation.