Jamais les ouvriers n’avaient vu de panneaux solaires si grands et si nombreux. Quelque 130 000 plaques de près de deux mètres de long, qu’ils soulèvent à deux pour les fixer sur les imposantes rampes métalliques plantées dans la terre rouge de Zagtouli, au sud-ouest de Ouagadougou.

Au Burkina Faso, on connaît surtout l’énergie photovoltaïque à travers les lampes solaires chinoises qu’on achète au bord des routes pour s’éclairer lors des nombreuses coupures d’électricité qui rythment la saison chaude. Mais depuis juin 2016, 200 ouvriers burkinabé travaillent pour faire sortir de terre la première centrale solaire photovoltaïque du pays.

Premier kilowatt en septembre

Ce mardi 4 avril, ils sont une quinzaine à s’affairer autour des panneaux solaires siglés SolarWorld (une entreprise allemande), devant l’œil attentif de Paul Kaba Thiéba, le premier ministre burkinabé, et de Rémy Rioux, le directeur de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique). Accompagnés d’une importante délégation, les deux hommes sont venus constater l’avancement de ces travaux menés par l’entreprise française Cegelec, filiale du groupe Vinci. L’échéance approche : le premier kilowatt d’électricité photovoltaïque doit être injecté dans le réseau en septembre 2017.

« Aujourd’hui, nous sommes venus en force pour marquer notre soutien au gouvernement en vue de faire du Burkina Faso un champion du solaire en Afrique, et cela commence par Zagtouli. On parle de la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest ! », s’enthousiasme Rémy Rioux. Ce projet de 47,5 millions d’euros est cofinancé par l’AFD et le Fonds européen de développement (FED).

Par ailleurs, Rémy Rioux et Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts, ont annoncé, à l’occasion de leur premier déplacement conjoint en Afrique de l’Ouest, la création d’un véhicule commun d’investissement dans les infrastructures doté de 600 millions d’euros de fonds propres. Par effet de levier, cela permettra de réaliser des investissements de l’ordre de 6 milliards d’euros dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et de l’assainissement, des télécoms, de la santé et de l’éducation.

Le premier ministre du Burkina Faso, Paul Kaba Thiéba (à gauche), et le directeur de l’AFD, Rémy Rioux (avec les lunettes), visitent le chantier de la centrale solaire de Zagtouli, le 4 avril 2017. | Anne MIMAULT/AFD

A partir de septembre, les 60 hectares de panneaux solaires de Zagtouli devraient commencer à fournir 55 GWh d’électricité chaque année à Ouagadougou. Selon l’AFD, ce chiffre représente 4 % de la consommation annuelle du Burkina Faso. Un ratio relativement faible, mais, pour les autorités burkinabé, Zagtouli n’est que la première pierre d’une politique énergétique nationale de plus en plus tournée vers le solaire.

Cinq centrales solaires annoncées

Cette centrale fait partie des engagements pris par le Burkina Faso lors de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat (COP 21). A cette occasion, la délégation burkinabé avait précisé ses ambitions : développer le photovoltaïque pour que 30 % de la consommation électrique nationale soit tirée de l’énergie solaire à l’horizon 2025-2030. Le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020, dont le financement a été bouclé en décembre 2016, prévoit la construction de cinq centrales solaires photovoltaïques d’une puissance cumulée de 80 mégawatts-crête (MWc, c’est-à-dire la puissance électrique maximale).

En prenant ce virage énergétique, le Burkina Faso entend produire une électricité propre, mais pas seulement. Au pays des Hommes intègres, l’énergie solaire coûte quasiment quatre fois moins cher à produire que l’énergie thermique. Pour la centrale de Zagtouli, le coût moyen est estimé à 35 francs CFA par KWh, quand celui de la Société nationale d’électricité du Burkina Faso (Sonabel) s’établissait à 139 francs CFA par KWh en 2015, selon l’AFD.

Surtout, cet engagement dans le solaire permettrait au Burkina Faso de réduire son déficit de production qui entraîne, à chaque saison chaude, des coupures d’électricité intempestives. Une nécessité au regard de la consommation d’électricité qui, elle, ne cesse de progresser : 7 % par an, toujours selon l’AFD. Pour l’heure, le Burkina importe de 30 % à 40 % de son électricité de Côte d’Ivoire. « Nous ne produisons pas assez et nos coûts de production sont plus élevés que dans les autres pays de la sous-région, deux fois plus qu’en Côte d’Ivoire par exemple. Il y a un problème de productivité. C’est pour cela que nous avons fait le choix du solaire », précise Paul Kaba Thiéba.

Derrière le premier ministre, une équipe d’ouvriers continue machinalement à fixer les panneaux sur les cadres métalliques. Il faut aller vite. La pose des quelque 130 000 plaques de la centrale de Zagtouli doit être achevée dans deux mois. « Environ 8 000 ont déjà été installées. Là-bas, il y en a encore 22 000 qui attendent », indique Hermann Sawadogo, superviseur en génie civil, en montrant du doigt les conteneurs empilés à l’entrée du site. Pour les 200 ouvriers burkinabé de Zagtouli, l’ouverture de la centrale, en septembre, ne signifiera pas forcément l’arrêt du travail. Une extension de 30 hectares est envisagée afin de fournir 17 MWc d’électricité solaire supplémentaire chaque année.

Le sommaire de notre série Traversée d’une Afrique bientôt électrique

A l’occasion de la COP22 qui s’est déroulée à Marrakech du 7 au 18 novembre, Le Monde Afrique a réalisé une série d’une vingtaine de reportages qui vous emmèneront au Kenya, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal et au Maroc pour découvrir l’impact d’un effort d’électrification du continent sans précédent.

Présentation de notre série : Traversée d’une Afrique bientôt électrique