Si la communauté universitaire vote traditionnellement en masse à gauche, elle apparaît elle aussi déboussolée par l’élection présidentielle 2017. D’après le baromètre réalisé par le site spécialisé EducPros, publié mardi 4 avril, 42 % des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche (enseignants-chercheurs, administratifs, doctorants, chercheurs…) ont confié ne pas savoir pour qui voter au premier tour, dans une enquête menée via un questionnaire en ligne, entre le 1er février et le 8 mars. Elle a recueilli 1 540 réponses.

Une grande part d’indécis, similaire à celle qui prévaut chez l’ensemble des Français à la veille de l’élection présidentelle, dans un électorat pourtant majoritairement à gauche. Parmi les universitaires qui ont rendu compte de leur vote lors du précédent baromètre, publié en 2016, plus de 78 % avaient déposé un bulletin « François Hollande » dans l’urne au deuxième tour en 2012, contre 8 % pour Nicolas Sarkozy.

« Cette indécision peut être considérée comme la conséquence de la grande déception de la communauté vis-à-vis de François Hollande, qui avait placé son mandat sous le signe de la priorité jeunesse », analyse François Sarfati, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail et conseiller scientifique du baromètre.

« Les choses ont empiré »

Depuis près de cinq ans, le moral des universitaires demeure en berne, avec une forte inquiétude pour l’avenir de l’enseignement supérieur chez les trois quarts des répondants, ou encore un sentiment de démotivation, pour la moitié d’entre eux.

L’université est en effet confrontée à un boom démographique de 30 000 à 40 000 étudiants supplémentaires chaque année depuis déjà trois ans, avec un budget qui, lui, n’a pas augmenté – exception faite pour l’année 2017. Les 5 000 créations de postes du quinquennat Hollande n’ont pas non plus suffi à tenir le choc pour une raison simple : une grande partie de ces emplois n’a pu être créée dans les établissements, forcés de se serrer la ceinture pour ne pas finir dans le rouge. « Le sentiment majoritaire, c’est que les choses ont empiré », résume François Sarfati. Et la prochaine rentrée ne risque pas de rassurer : près de 40 000 jeunes de plus ont candidaté dans l’enseignement supérieur sur la plate-forme d’Admission postbac, d’après les chiffres provisoires parus en mars.

Les universitaires qui ont fait leur choix concentrent-ils alors leurs potentiels votes en direction des prétendants à l’Elysée promettant un soutien financier d’ampleur à l’enseignement supérieur ? Pas forcément. Arrivent ainsi en tête deux candidats, avec 15 % d’intentions de vote chacun : le vainqueur de la primaire socialiste, Benoît Hamon, qui table, lui, sur 1 milliard de plus par an, mais aussi Emmanuel Macron, le candidat d’En Marche !, qui se positionne plutôt en faveur d’une « sanctuarisation » des moyens de l’Etat, synonyme de stabilité.

Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), qui envisage de doubler le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en cinq ans (+ 4,6 milliards d’euros) recueille pour sa part 10 % des intentions de vote, quand l’abstention et le vote blanc se situent ensemble à 9 %, devant François Fillon (LR) et Marine le Pen (FN), qui réunissent chacun 2 % des intentions.

« On pourrait imaginer que la volonté de rupture avec la politique menée depuis 2012 se traduise plus fortement par un vote en direction de Benoît Hamon ou de Jean-Luc Mélenchon, qu’Emmanuel Macron par exemple, à la lecture des programmes, relève François Sarfati. Mais il semble très difficile de faire un lien entre les intentions de vote des universitaires et les projets des candidats sur l’enseignement supérieur ». « L’université a en effet été totalement absente des débats de la campagne, et beaucoup d’universitaires n’ont pas une conscience très claire de ce qui est proposé sur ce sujet », ajoute-t-il.