Daniel Ek, le dirigeant de Spotify, le numéro 1 mondial des sites de streaming, le 29 septembre 2016, à Tokyo (Japon). | TORU YAMANAKA / AFP

Deux semaines. Il vous faudra patienter une quinzaine de jours avant de pouvoir écouter le tout dernier album d’Adele ou de Lady Gaga sur votre application Spotify, du moins si vous n’avez pas souscrit à l’abonnement de 10 euros par mois. C’est le résultat le plus concret de l’accord que la plateforme vient de signer avec le numéro un mondial du disque, Universal.

Après des mois de discussion, ce dernier accepte une rémunération plus faible sur chaque chanson, en échange d’une exclusivité des derniers albums de ses vedettes pour les abonnés payants. La rétribution sera elle-même dégressive, au fur et à mesure que la plateforme engrangera plus de souscripteurs.

Universal joue l’exorciste et tente d’extirper du patient Spotify le démon si bien ancré de la gratuité. Cet esprit tout droit venu de la Silicon Valley, qui estime que la conquête d’une base d’utilisateurs la plus large possible est plus importante que sa rentabilité. Cet esprit libertaire, qui a construit le succès planétaire du Net, a aussi détruit des industries entières, à commencer par celle de la musique. En moins de vingt ans, le chiffre d’affaires de l’industrie musicale et son nombre d’employés ont été divisés par deux.

Prises à la gorge par l’explosion du piratage, les grandes majors du secteur ont pourchassé inlassablement les délinquants du Web et ont restructuré la profession à la hache. De six grandes maisons mondiales en 1998, il n’en reste plus que trois. Un repli masqué par l’essor parallèle des grands concerts, qui n’a enrichi que les plus grandes vedettes du secteur.

La guerre est terminée

Mais le vent tourne. En 2016, pour la première fois depuis 1998, le marché de la musique enregistrée a retrouvé une progression de ses ventes, de 11 %, et les revenus issus des plateformes internet, comme Spotify, Deezer ou Pandora, ont représenté plus de la moitié du chiffre d’affaires de la musique et la totalité de cette croissance. Non seulement l’avenir réside résolument dans l’écoute en continu (streaming), mais la formule de l’abonnement fait la preuve de sa puissance.

Les montants générés par la publicité sur ces mêmes plateformes se sont révélés cinq fois plus faibles que ceux provenant des abonnements. La route est tracée et Universal, qui tire déjà un tiers de ses ventes du streaming, entend forcer Spotify à accélérer dans ce domaine.

C’est aussi dans l’intérêt de la société suédoise, devenue en dix ans le leader du marché américain devant Apple. Son succès fulgurant vient de la simplicité de son logiciel, associé à son caractère gratuit. Mais la start-up n’a jamais gagné d’argent, en dépit de ses 50 millions d’abonnés, et a besoin de fonds. Son ambition est d’entrer en Bourse d’ici l’été prochain. Il lui faut donc démontrer que la guerre est terminée avec les géants du secteur et que, grâce à elle, cette industrie, entrée la première dans la grande lessiveuse de l’Internet, va en finir avec les années noires.