Donald Trump, le 27 février. | Pablo Martinez Monsivais / AP

Editorial du « Monde ». Donald Trump rencontre le monde réel. Il affronte la vérité des faits et leur complexité. Il n’y était pas préparé. C’est toujours un mauvais moment pour tous les politiciens protestataires, vendeurs d’illusions et autres démagogues – à la Marine Le Pen, la candidate du Front national, grande admiratrice du président américain. L’épreuve de la vraie vie détruit leur leitmotiv préféré : « y a qu’à ». M. Trump en fait l’expérience.

Il ne se passe pas un mois sans qu’il soit obligé de trahir l’une ou l’autre de ses promesses. Le poids des difficultés s’impose au fier-à-bras comme le principe de Newton à la pomme. Le dernier en date des replis du président – qui sont, la plupart, gages de sagesse, même tardive – concerne le Conseil national de sécurité de la Maison Blanche. Cette institution est chargée d’assister le président sur les grandes affaires stratégiques. En janvier, M. Trump y avait nommé, au plus haut niveau, un pur idéologue, Stephen Bannon. Celui-ci, ancien chef du site d’ultradroite suprémaciste blanche Breitbart News et devenu le premier conseiller de M. Trump, prenait ainsi la préséance sur le chef d’état-major des armées et le grand patron du renseignement américain. Du jamais-vu !

Mercredi 5 avril, la présidence a annoncé que M. Bannon quittait le Conseil national de sécurité. Les observateurs y voient la marque du nouveau patron de l’institution, le général H. R. McMaster, vrai spécialiste des affaires stratégiques et décidé à refaire du Conseil un outil plus professionnel que politique. M. Trump a dû s’y ranger. C’est une bonne chose.

« Responsabilité morale »

Mais, sous le coup de l’atrocité de l’attaque au gaz perpétrée cette semaine en Syrie, et que les Etats-Unis, comme la Russie, attribuent au régime de Bachar Al-Assad, la diplomatie Trump est aussi contrainte à une certaine évolution. L’idée-force du président était de faire de M. Al-Assad le chevalier le plus efficace dans la lutte contre le djihadisme. Quitte à passer sur la sauvagerie de la guerre qu’il mène depuis six ans et qui rivalise en brutalité avec celle des djihadistes. Quitte à oublier le rôle joué par Damas dans la montée du terrorisme islamiste.

Même si Washington n’appelle pas au départ de « Bachar », M. Trump a dû convenir que la dépravation de cet homme « ne pouvait être ignorée du monde civilisé ». Rex Tillerson, son secrétaire d’Etat, a été plus loin. Il a nommément dénoncé le président syrien, qui, a-t-il dit, doit être tenu pour comptable de cette attaque. M. Tillerson a pointé en outre « la responsabilité morale » dans cette affaire des deux tuteurs de Damas, la Russie et l’Iran. C’est plus qu’un changement de ton.

Sur la Chine aussi, M. Trump a mis de l’eau dans son vin, alors qu’il s’apprête à recevoir le président Xi Jinping. Plus question de revenir sur la politique dite de « la Chine unique » (dont Pékin est l’unique représentant) au profit de Taïwan ni de taxer à 45 % les exportations chinoises aux Etats-Unis. La complexité de la relation sino-américaine s’est imposée.

M. Trump l’apprend : on ne fait pas de la politique en 140 catactères, à coups de Tweet rageurs et simplistes.