Les Gambiens sont appelés aux urnes, ce jeudi 6 avril, pour choisir leurs députés. Ces premières élections depuis le départ de l’autocrate Yahya Jammeh suscitent l’espoir d’un réel équilibre des pouvoirs, après vingt-deux ans de toute-puissance de l’exécutif. Les opérations de vote sont prévues de 8 heures à 17 heures. Les premiers résultats sont attendus vendredi, selon la Commission électorale (IEC).

Un peu plus de 886 000 électeurs, sur près de 2 millions d’habitants, doivent choisir leurs députés parmi 238 candidats, issus de neuf partis politiques ou de listes indépendantes, selon l’IEC. Le parlement monocaméral compte 58 députés : 53 élus et cinq nommés par le président pour un mandat de cinq ans.

Yahya Jammeh est parti en exil en Guinée équatoriale en janvier, à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne pour le forcer à céder le pouvoir. Déclaré perdant de l’élection présidentielle du 1er décembre 2016, il a contesté pendant six semaines sa défaite face à Adama Barrow, candidat d’une large coalition.

« Ils vont mourir de leur belle mort »

Mais cette coalition n’aura pas survécu au départ de M. Jammeh et les partis qui la composaient se présentent séparément à ce scrutin, faisant craindre à certains de ses membres que cette division ne profite à la formation de l’ex-président, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC).

L’APRC espère l’emporter dans les 29 circonscriptions où elle présente des candidats, selon son chef de campagne, Yankuba Colley. « L’APRC est le plus grand parti du pays, que ça plaise ou non », a déclaré un responsable de cette formation, Bibi Darboe, lors d’un meeting à Bakau, près de la capitale, Banjul, mardi soir, au dernier jour de la campagne.

Malgré ces proclamations, les rangs des partisans de l’APRC, en tee-shirts verts à l’effigie de Yahya Jammeh, étaient bien plus clairsemés qu’avant la présidentielle de décembre, quand toute idée d’alternance démocratique en Gambie semblait pratiquement inimaginable. « Ils vont mourir de leur belle mort », a estimé Madi Ceesay, l’un des 44 candidats du Parti démocratique unifié (UDP), auquel appartenait Adama Barrow avant d’en démissionner pour représenter l’ensemble de la coalition contre Yahya Jammeh. « Ils n’auront pas plus de deux sièges au parlement », a assuré M. Ceesay, en lice à Serrekunda, la zone la plus peuplée du pays, près de Banjul.

Le Congrès démocratique de Gambie (GDC), créé en 2016 et dont le chef, Mama Kandeh, est arrivé en troisième position à l’élection présidentielle, loin derrière MM. Jammeh et Barrow, espère de son côté réaliser une percée. Le parti attire les électeurs « parce que nous parlons de la jeunesse, des femmes et d’émancipation », a affirmé l’un de ses candidats, Ebrima Nyang.

« La campagne a été très libre et pacifique »

Aux précédentes élections législatives, en 2012, l’APRC avait remporté une victoire écrasante. Six des principaux partis d’opposition de l’époque avaient boycotté le scrutin, accusant le régime « d’abus de pouvoir ». Sous Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, puis constamment élu et réélu de 1996 à sa défaite surprise en 2016, les lois étaient généralement d’initiative gouvernementale et n’étaient envoyées que beaucoup plus tard, voire jamais, à l’Assemblée pour être approuvées.

L’Union européenne, qui a déployé pour la première fois une véritable mission d’observation des élections en Gambie, s’est dite confiante dans le déroulement du scrutin. « La campagne a été très libre et pacifique », a déclaré le chef de la mission, Miroslav Poche, député tchèque au parlement européen. « L’IEC a fait ses preuves lors de l’élection présidentielle de décembre », a-t-il souligné. L’Union africaine et la Cedeao, dont les troupes sont toujours présentes en Gambie à la demande de M. Barrow, ont également envoyé des observateurs.