Dans les heures confuses qui ont suivi l’attentat ayant tué quatorze personnes dans le métro de Saint-Pétersbourg, le 3 mars, enquêteurs et médias ont cherché à savoir qui en était l’auteur. Deux jours plus tard, il a été identifié comme étant Akbarjon Djalilov, un Khirghiz de 22 ans qui s’est fait exploser.

Avant que cette information ne soit rendue publique, plusieurs médias ont diffusé l’image d’un autre homme, barbe longue et robe noire, « soupçonné » d’être l’auteur de l’attaque. Andreï Nikitin n’a rien à voir avec ce triste événement. Il y a été associé contre sa volonté et cela a eu des conséquences désastreuses sur sa vie.

Les images du faux suspect circulent sur la chaîne REN-TV, qui croit l’avoir identifié sur des captures d’image de caméra de surveillance. Elle affirme qu’il est entré dans le métro à la station Petrogradskaya et qu’il y a laissé une valise avant de ressortir.

Andrei Nikitin se présente spontanément à la police le 3 avril au soir. Cet ancien capitaine d’un régiment d’aviation s’est converti récemment à l’islam et a changé de prénom, se faisant désormais appeler Ilyas. Selon le média anglophone Russia Beyond the Headlines, le premier à révéler la méprise est le blogueur Ilya Varlamov, qui a posté une photo de M. Nikitin sur le réseau social russe Vkontakte.

Connexion ratée et licenciement

Andrei Nikitin est mis hors de cause et laissé libre par la police, mais il n’est pas au bout de ses peines. Les ennuis commencent vraiment quand il tente de monter dans un vol UTair pour Orenburg.

En escale à Moscou, il est repéré par des passagers qui font le rapprochement avec les images diffusées à la télévision et préviennent le personnel de la compagnie. Le prétendu « suspect » est obligé de quitter l’appareil et rate sa connexion. L’avion est fouillé. La méprise ayant été rappelée, il se fait rembourser son billet.

Dans une interview à l’agence russe IslamNews, Andrei Nikitin avoue qu’il ne s’attendait pas à rencontrer de nouveau des problèmes, puisqu’il n’avait eu aucun mal à voyager de Saint-Pétersbourg à Moscou. Dans une interview accordée au journal Komsomolskaya Pravda, l’un de ses amis, Rasul Tavdriryakov, dit qu’il « supporte la situation calmement et patiemment ».

« Ilyas est diplômé de l’école militaire de Riazan, il a servi en Tchétchénie. Il sait comment se comporter dans ce genre de situations » et a souhaité collaborer immédiatement avec la police. « Ça aurait été bien pire s’il avait attendu que l’on vienne l’arrêter. »

Plus grave qu’une escale qui dure un peu trop longtemps, cette histoire a coûté son poste de conducteur de poids lourd à Andrei Nikitin. Son entreprise aurait reçu une notification du comité d’enquête régional, au moment où il était bel et bien recherché comme potentiel suspect. Elle a immédiatement mis un terme à son contrat.

Andrei Nikitin reconnaît que « cette histoire [lui] complique beaucoup la vie », lui qui est harcelé par des journalistes, ceux-là mêmes qui l’ont « traité de terroriste » et persistent à vouloir entrer en contact avec lui, sa famille et ses amis.

M. Nikitin n’est pas le seul à avoir été victime d’une erreur : les agences de presse ont un temps avancé le nom d’un autre suspect, un étudiant d’origine kazakhe, Maxim Aryshev. En réalité, il faisait partie des victimes.