Emmanuel Macron sur le plateau de France 2 avant l'enregistrement de l'Emission Politique. | Michaël Zumstein/agence VU pour "Le Monde"

Tenter de convaincre qu’il ne « ménage pas la chèvre et le chou », qu’il n’est pas l’héritier de François Hollande ni le candidat du système et des banques. A près de deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, voilà à quoi s’est attelé Emmanuel Macron, jeudi 6 avril, alors qu’il était l’invité de L’Emission politique sur France 2. Un rendez-vous au cours duquel il a annoncé les premières investitures de son mouvement En marche ! pour les législatives, débattu avec François Ruffin, réalisateur du documentaire « Merci patron ! » – qui brigue un poste de député dans la Somme – et avec Bruno Retailleau, fidèle lieutenant de François Fillon.

Syrie : pour une intervention sous l’égide de l’ONU, en dialoguant avec la Russie

Interrogé en début d’émission sur l’attaque chimique présumée qui a endeuillé la Syrie mardi, M. Macron s’est déclaré favorable à une intervention militaire pour « sanctionner » Bachar al-Assad, si sa responsabilité est avérée. Cette intervention devrait être menée « sous l’égide des Nations Unies », le candidat suggérant que la Russie qui n’a « ni nos valeurs ni nos préférences » mais avec qui « nous devons parler » pourrait ne pas opposer son veto.

Concernant la transition politique en Syrie, il a plaidé pour « sortir Bachar Al-Assad du jeu », mais « pas au prix de l’instabilité » dans le pays. « Je suis en désaccord avec ceux qui disent il faut éradiquer Bachar Al-Assad » a poursuivi le candidat d’En marche ! invoquant le précédent libyen où « on a chassé un tyran et après ça a été le chaos ».

Nucléaire, Notre-Dame-des-Landes… « Je ne suis pas réducteur »

Répondant aux journalistes qui lui reprochaient de « ménager la chèvre et le chou » dans ses prises de position, Emmanuel Macron s’est défendu en affirmant :

« J’essaie de refléter la complexité des sujets qu’on a à traiter. Je ne suis pas réducteur ».

Pendant l’émission il s’est notamment attelé à clarifier sa position sur deux dossiers. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, d’abord, expliquant qu’il souhaitait toujours le respect du résultat du référendum local qui a donné le oui à la construction vainqueur en juin. Mais pas question toutefois « d’envoyer les forces militaires ordre dans la ZAD » d’emblée. Interrogé par les journalistes puis par Bruno Retailleau à ce sujet, il a décliné sa méthode :

« Je veux qu’il y ait un médiateur qui permette de faire descendre la tension, au bout de six mois je trancherai (…) je ferai évacuer la zone avec les forces de l’ordre qui s’imposent si on n’a pas réussi à faire baisser la pression ».

Autre dossier sur lequel il a été invité à clarifier sa position : le nucléaire. « J’assume totalement ma défense du nucléaire » a-t-il déclaré, tout en revendiquant son « grand désaccord avec François Fillon » : sa volonté de « réduire cette dépendance à l’énergie » en « développant les énergies renouvelables ». Alors que le conseil d’administration de la centrale nucléaire de Fessenheim a acté, jeudi, des « conditions » à sa fermeture, qui était l’une des promesses de campagne de François Hollande, M. Macron a martelé son intention de « fermer » la plus vieille centrale française.

Avec Hollande « J’assume » moi non plus

Comme sur le dossier de Fessenheim, Emmanuel Macron a multiplié les allusions aux promesses de campagne et au quinquennat de François Hollande, tout en martelant son « respect » pour le chef de l’Etat et le fait qu’il « assume tout » de sa collaboration avec lui. Un exercice d’équilibriste destiné à faire mentir, d’une part, les attaques multipliées à droite et à l’extrême droite, et en particulier, dans le camp Fillon, qui le désignent comme l’héritier du président de la République, sans toutefois s’aliéner les proches de M. Hollande qui le rallient.

« Je ne suis pas lui » a-t-il ainsi lancé, affirmant « je suis profondément différent, je donne un sens à ce que je fais, je les assume et je suis plus tranchant » et insistant sur les « désaccords » qui l’avaient fait quitter ses différentes fonctions. S’il a assuré n’avoir « jamais manqué de respect à François Hollande, ni à l’homme ni à la fonction », il a, dans son échange avec François Ruffin, fait une référence à peine dissimulée à la campagne du chef de l’Etat en 2012. Alors que le journaliste lui demandait s’il allait venir rencontrer les salariés de Whirlpool à Amiens, dont l’usine est menacée de fermeture, il a rétorqué :

« Une campagne présidentielle n’est pas pour faire des propos d’estrade ».

Et d’ajouter qu’il n’allait pas « monter sur un camion et dire : ça ne fermera pas ». Image tout droit sortie de la campagne de 2012, quand François Hollande s’était rendu auprès des salariés des hauts-fourneaux de Florange, montant sur le toit d’un camion pour les assurer de son soutien.

De même, alors qu’il répondait à sur sa vision de la posture du président et son rapport au média, il a répondu : « Je considère que le problème du dernier quinquennat a été une trop grande proximité avec les journalistes. Quand on préside, on n’est pas le copain des journalistes. »

« En marche ! n’est pas une recyclerie »

Pour appuyer sa promesse d’être un candidat différent à la démarche inédite, Emmanuel Macron a dévoilé, jeudi soir, l’identité des 14 premiers candidats investis par En marche ! « J’ai fixé 5 règles, a affirmé le candidat : le renouvellement, le pluralisme politique, la probité, la parité et la mixité, et l’adhésion au projet qui est le mien. » Les premiers annoncés collent évidemment à cette volonté affichée de faire la part belle à la société civile et à plusieurs couleurs politiques différentes, volonté dont M. Macron a rappelé qu’elle commanderait aussi à son choix de ministres s’il venait à être élu :

« Il y aura des gens de la société civile qui ont une légitimité forte dans leur secteur et des responsables politiques que je choisirai pour qualité, leur connaissance des dossiers, pas parce que sont des apparatchiks politiques. »

Il s’est toutefois refusé à se prononcer sur la place qu’il réserverait à Jean-Yves Le Drian dans un éventuel gouvernement. « En marche ! n’est pas une recyclerie » a-t-il encore prévenu. « Je porte l’alternance profonde, pas le tic tac droite gauche (…) Pour la première fois je dis que je veux faire venir gens de la société civile et réconcilier des familles politiques qui partagent les mêmes valeurs : les socio-démocrates, les écologistes raisonnables et européens, le centre, le centre droit, les gaullistes sociaux, la droite sociale et européenne ».

Le candidat des riches et du CAC 40 ?

Enfin, autre axe de critiques régulières à son sujet, Emmanuel Macron s’est expliqué quant aux cibles de sa politique économique et fiscale. Face au journaliste François Lenglet qui l’interrogeait sur les questions économiques, il a défendu sa mesure d’allégement fiscal pour la distribution d’actions gratuites, qui aurait davantage profité aux dirigeants des grands groupes. « Nous devons être attractifs, s’est justifié l’ancien ministre de l’économie, on ne peut pas réindustrialiser si on ne favorise pas le financement de l’économie et si on n’attire pas les talents : les cadres dirigeants des grands groupes aussi » De même pour la défense de sa proposition de réforme de l’ISF qu’il entend limiter au patrimoine immobilier. « Ce n’est pas un cadeau », a-t-il assuré.

« Si vous faites le choix de mettre tout votre argent dans le patrimoine immobilier : c’est un choix, je ne vous pénalise pas. Par contre si vous gagnez de l’argent et décidez de l’investir dans votre entreprise, dans l’entreprise d’un autre, dans une start-up, PME, chez un agriculteur, à ce moment-là c’est un argent que vous faites fructifier pour l’économie française et j’assume de le sortir de l’ISF. ».

Face à François Ruffin il s’est encore défendu d’être le candidat qui fait « des cadeaux au CAC 40 ». « Je ne suis l’otage de personne et je ne sers personne » a-t-il insisté ajoutant : « Je ne suis pas contre le CAC40 (…) Je ne suis pas pour le favoriser mais pas non plus pour lui taper dessus comme on fait à chaque campagne présidentielle. »

Aux journalistes de France télévisions qui lui demandaient s’il n’avait pas peur d’apparaître comme le « candidat de la France d’en haut » il a répondu par sa « mesure forte » : la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français. Il a également joué la carte de son parcours, faisant valoir ses origines provinciales, où « jamais personne n’avait fait l’ENA ». « Je ne viens pas de la noblesse d’Etat » a-t-il insisté. Comme une énième tentative de faire mentir ses détracteurs qui lui reprochent d’être un produit du « système » qu’il dénonce.