Coiffure soignée, sourire éclatant et teint hâlé, Mitt Romney prend la parole : « Il y a 50 ans, j’étais déjà en France. Nous sommes allés à Paris hier pour vérifier que le bâtiment où j’habitais était encore là. Comme c’est la France, bien sûr qu’il était toujours là. » Rires dans l’assistance. Le perdant de la présidentielle américaine en 2012 aura réussi ce pour quoi il était venu : faire le show devant les journalistes.

Les mormons de France avaient tout prévu, vendredi 7 avril, pour l’inauguration devant la presse de leur premier temple de la métropole, situé dans la commune du Chesnay (Yvelines), à deux kilomètres du château de Versailles. Mitt Romney et sa femme, Ann, étaient présents, tout comme bon nombre des plus hauts représentants de l’Eglise mormone.

110 églises

« Quand j’étais enfant, mes parents et moi rêvions déjà du jour où nous aurions un temple. Ce jour est arrivé », se félicite Gérald Caussé, « évêque-président » de l’Eglise mormone, dont les membres les plus éminents sont généralement américains. Originaire de la région de Bordeaux, l’ancien dirigeant d’entreprise fait la visite du temple, qui sera consacré le 21 mai.

Avec moult détails, sa femme et lui expliquent la fonction de chaque partie du bâtiment, dont les mormons n’ont pas le même usage que les églises. Au nombre de 110 en France, celles-ci ne peuvent servir aux sacrements que sont le baptême ou le scellement, l’autre nom du mariage. « Je me suis marié dans le temple de Berne [Suisse], poursuit Gérald Caussé. Désormais, les membres de l’Eglise qui vivent en France pourront se marier dans leur pays. »

20 000 pratiquants

Importante pour les fidèles, la construction du bâtiment immaculé de 7 000 m2 permet aussi à la communauté mormone, généralement associée à la ville de Salt Lake City (Utah), de se dévoiler au grand jour. Ils revendiquent 38 000 fidèles en France métropolitaine, et 22 000 en outre-mer. « Ce chiffre est fondé sur le nombre de baptêmes, nuance Bernadette Rigal-Cellard, professeur d’université à l’université de Bordeaux Montaigne et auteure du livre La Religion des mormons. Mais, comme dans l’Eglise catholique, ce n’est pas parce que vous êtes baptisé que vous êtes pratiquant. »

La chercheuse estime plutôt à 20 000 le nombre de mormons actifs dans les paroisses de France. Un petit groupe donc, mais avec un effectif suffisant pour qu’il tente d’affirmer son existence grâce au massif « Temple de Paris ». « Les mormons fonctionnent comme les autres cultes, explique Bernadette Rigal-Cellard. Ce bâtiment permet de s’imposer sur la scène religieuse. »

Le temple et ses annexes auraient coûté environ 80 millions d’euros, selon le maire du Chesnay, Philippe Brillaut. Une somme que refuse de confirmer ou d’infirmer Dominique Calmels, directeur de la communication de l’Eglise mormone française, qui précise qu’aucun centime d’argent public n’a servi à sa construction.

Un prosélytisme édulcoré

Réputés prosélytes, les mormons envoient depuis longtemps des missionnaires en France. Mitt Romney lui-même y a passé 30 mois, de 1966 à 1968. L’évêque Gérald Caussé en dénombre 300, « répartis sur tout le territoire ». Officiellement, ils sont chargés de « l’enseignement », « pour toutes les personnes intéressées par le baptême », précise le quinquagénaire au costume cravate noir impeccable.

En France, leur but est avant tout de ne pas paraître étranges dans un pays plutôt méfiant à l’encontre des nouvelles pratiques religieuses, selon Bernadette Rigal-Cellard. Elle affirme que les mormons ont édulcoré les méthodes employées pour convertir les profanes. « A partir des années 1980, les mormons américains ont acheté les services d’une société de communication. Leur but était de montrer qu’ils sont un groupe vraiment chrétien, en gommant ce qui faisait leur originalité. » Notamment leur côté millénariste, comme on appelle ceux qui attendent la fin du monde. D’où leur nom : Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours.

Opération de séduction

Vendredi, les mormons s’appliquaient à démystifier leurs pratiques. Notamment celle du mariage, pilier du culte mormon. Il est bien un « scellement » parce qu’il s’étend après la mort des époux. Mais il est tout de même possible de divorcer, assure-t-on chez les dirigeants de l’Eglise.

L’événement avait tout d’une opération de séduction à l’intention du public français. Incarnée par Mitt Romney : « Nous sommes tous les enfants de Dieu. Le monde a besoin de plus d’endroits comme celui-ci. » Le couple Romney pose ensuite pour les photographes, symbole de la famille parfaite que les mormons français veulent mettre sur le devant de la scène.