Le drapeau arc-en-ciel est le symbole de la communauté LGBTQ.

L’affaire relève un peu de ce que l’on appelle « l’effet Streisand » : quand la volonté d’interdire l’exposition de quelque chose conduit à l’exposer encore plus. Cette fois, c’est une image de Vladimir Poutine, lourdement maquillé, regard mélancolique sur fond de drapeau arc-en-ciel, le symbole de la communauté LGBTQ. Une image jugée contraire aux valeurs traditionnelles de la Russie.

Dès mai 2016, le ministère de la justice avait décrété l’interdiction de toute représentation « homosexuelle » du président russe. Cette image a donc été ajoutée, fin mars, à la liste des 4 074 œuvres considérées comme « extrémistes ». Le Moscow Times a pu consulter un compte rendu d’audience qui explique que le maquillage « suggère que le président russe aurait une orientation sexuelle non conventionnelle ».

En tout, une douzaine d’images partagées par un certain A. V. Tsvetkov sur le réseau social Vkontakte, équivalent russe de Facebook, ont été interdites, certaines d’entre elles ayant un contenu explicitement raciste ou antisémite. En Russie, toute diffusion de ces images est punie d’une peine de 15 jours d’emprisonnement ou d’une amende de 3 000 roubles (50 euros). On peut même être potentiellement condamné à une peine de prison pour en avoir « liké » une.

Dès l’annonce de son interdiction, l’image de Poutine est devenue bien plus visible, circulant dans le monde entier, où elle n’a rien d’illégal, comme une forme de défi à la décision de justice. Le mot d’ordre pouvait se résumer à : voici la photo de Poutine que le Kremlin ne veut pas que vous partagiez. Partagez-la.

Cette image est devenue populaire en Russie en 2013, selon le Washington Post, après l’adoption d’une loi contre la « propagande  » homosexuelle devant les mineurs et réprimant les « offenses au sentiment religieux » sous peine d’amende allant jusqu’à 12 000 euros. Après de nombreux débats, la loi avait été modifiée pour remplacer le terme « homosexualité » par « relations sexuelles non traditionnelles ». L’homosexualité était considérée comme un crime en Russie jusqu’en 1993, et comme une maladie mentale jusqu’en 1999.

Depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en mai 2012, la situation des homosexuels ne cesse de se dégrader en Russie. En octobre 2012, vingt hommes masqués et armés ont attaqué et pillé un club moscovite pour homosexuels, le 7Free Days. Plusieurs personnes avaient été blessées, dont trois grièvement.

Selon un sondage datant de 2013 de l’institut Vtsiom, le centre panrusse de l’étude de l’opinion publique, 88 % des Russes soutiennent l’interdiction de la « propagande » homosexuelle et 54 % pensent qu’il faut punir l’homosexualité.