L’accord conclu lors de l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro) de Malte, vendredi 7 avril, entre la Grèce et ses créanciers (Banque centrale européenne, BCE, Mécanisme européen de stabilité et Fonds monétaire international, FMI) sonne comme une surprise à Athènes. « Nous avons résolu les gros problèmes concernant les réformes à faire », s’est félicité le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. « Je veux saluer l’accord de principe qui est conclu après plusieurs mois de travail difficile. (…) Le moment est venu de mettre fin à l’incertitude sur l’économie grecque », a renchéri le commissaire européen chargé des affaires économiques, Pierre Moscovici.

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, veut, lui, y voir le « retour de l’espoir » pour son pays, mais le cœur n’est certainement pas au soulagement pour le peuple hellène, car tout reste encore à concrétiser et surtout de nouveaux sacrifices sont à l’horizon. Le ministre des finances, Euclide Tsakalotos, a d’ailleurs déclaré à la sortie de l’Eurogroupe qu’il y avait, dans cet accord, « des choses qui vont déplaire aux [Grecs] ».

Des mois d’impasse

Un euphémisme, puisque la Grèce s’est engagée à réduire ses dépenses de 2 % du produit intérieur brut (PIB) entre 2019 et 2020. Soit des économies supplémentaires de plus de 3,6 milliards d’euros par le biais notamment d’une énième (la quatorzième en sept ans !) réforme des retraites et d’un nouvel abaissement du seuil d’imposition. En échange, M. Tsakalotos a reçu l’engagement de pouvoir adopter des mesures de dépenses pour financer la croissance en 2019 et en 2020, si la cible budgétaire est atteinte, parallèlement aux réformes additionnelles.

Après des mois d’impasse, le gouvernement grec a donc finalement plié et accepté les exigences du FMI, soutenues par l’Allemagne, et s’engage à prendre des mesures supplémentaires d’économies budgétaires qu’il devra mettre en œuvre en 2019 et en 2020, ce qui devrait dégager la voie au versement d’une nouvelle tranche de crédit. Une manne d’argent frais dont Athènes aura bientôt besoin, puisqu’elle doit rembourser des créances de plus de 7 milliards d’euros en juillet.

Deux solutions proposées

Selon ses prévisions internes, contestées à la fois par Athènes et par la Commission européenne, le FMI estime que la Grèce ne serait pas en mesure de maintenir après 2018 son niveau d’excédent primaire à 3,5 % du PIB, tel que prévu dans le cadre du plan d’aide de 86 milliards d’euros adopté à l’été 2015, ce qui compromet le redressement des finances publiques.

Le FMI propose donc deux solutions. Soit un allégement drastique de la dette publique grecque (180 % du PIB) que l’Allemagne, notamment, rechigne, jusqu’ici, à mettre en œuvre dans un contexte électoral, avec des législatives prévues à l’automne 2017. Soit de nouvelles mesures d’économies, qui prolongent, de fait, la surveillance budgétaire exercée sur la Grèce par ses créanciers bien au-delà du troisième plan d’aide censé se terminer en 2018. Faute d’une avancée politique sur la dette, c’est donc de nouveau la Grèce qui est sommée de se serrer la ceinture.

Comment en est-on arrivé à cet accord, alors que la situation de blocage durait depuis des mois et semblait sans issue ? « Jusqu’à tard, jeudi 6 avril au soir, nous n’étions pas certains d’y arriver », avoue une source grecque, sous couvert d’anonymat. Si Athènes semble avoir cédé sur la plus grande partie des exigences du FMI, cela n’explique qu’en partie l’accord. « Alexis Tsipras a mis tout son poids dans la bataille car si Euclide Tsakalotos revenait sans accord de Malte, cela aurait été une catastrophe pour le gouvernement », reconnaît-on à Athènes. En perte de vitesse dans les sondages, loin derrière le parti conservateur, et de plus en plus en plus critiqué dans son propre camp, Alexis Tsipras veut tenir et se refuse toujours à céder aux demandes d’élections anticipées formulées quotidiennement par les partis d’opposition. Il aurait difficilement survécu à un nouvel échec à l’Eurogroupe.

« Si les discussions s’enlisent, l’incertitude va revenir »

Il a donc multiplié, ces derniers jours, les contacts au plus haut niveau politique, en recherchant le soutien du président du Conseil européen, Donald Tusk, du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avec lequel il s’est encore entretenu au téléphone jeudi soir, et, surtout, de la chancelière allemande, Angela Merkel. Selon des sources grecques, Mme Merkel se serait engagée au téléphone auprès de M. Tsipras à « travailler en faveur d’un accord ».

Ce n’est toutefois pas la fin de l’histoire. La mission technique des créanciers doit encore retourner à Athènes afin de finaliser les détails. Il faudra attendre l’Eurogroupe du 22 mai pour un accord définitif. C’est au cours de cette réunion que les ministres pourraient également aborder l’épineuse question de l’allégement de la dette publique. « Nous serons prêts pour que toutes les pièces du puzzle soient en place pour la discussion sur l’allégement de la dette, a fait savoir le ministre grec des finances, Euclide Tsakalotos. Si les discussions s’enlisent, l’incertitude va revenir (…) Personne ne veut le retour de la crise grecque. »

Une rencontre importante aura lieu lundi 10 avril, à Berlin, entre la chancelière allemande et la directrice du FMI, Christine Lagarde. A l’ordre du jour, la participation ou non du FMI au financement du troisième plan d’aide, toujours pas validée, et un possible assouplissement de la position allemande – jusqu’ici intransigeante – sur l’allégement de la dette grecque. Sur le fond, rien n’est encore vraiment débloqué.