Deux ans après sa promulgation, la loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques d’août 2015, qui a encadré les ouvertures des commerces le dimanche dans certains périmètres, ne fait pas que des heureux. Et pas seulement dans les rangs des syndicats opposés au travail dominical.

La pharmacie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre de la rue Masséna, dans le centre de Nice, est bien placée pour le savoir. Située dans une zone touristique internationale, où les commerces ont théoriquement l’autorisation d’ouvrir le dimanche et en soirée, et dans une rue très commerçante à côté d’enseignes comme Foot Locker ou L’Occitane ouvertes tous les jours de la semaine, elle ferme ses portes à 8 heures du matin le dimanche pour les rouvrir à 20 heures. La faute, notamment, à un arrêté préfectoral qui interdit aux pharmacies du département, autres que celles dont c’est le tour de garde, d’être ouverte le septième jour de la semaine.

Nice n’est pas un cas isolé. Douze départements seraient dotés d’un arrêté préfectoral similaire, dont sept en Ile-de-France (Paris, Seine-et-Marne…), l’objectif étant, au départ, sous la demande des syndicats, de protéger les petites officines indépendantes.

Vide juridique

Pour faire porter le débat sur la place publique, quatorze pharmacies ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur la vingtaine de ces supermarchés du médicament et de la parapharmacie qui existent en France, se sont associées en groupement, le 17 mars.

Leur revendication auprès des pouvoirs publics : obtenir une dérogation catégorielle pour que le segment des pharmacies ouvertes en continu soit définitivement autorisé à travailler sept jours sur sept, comme l’ont été, avant elles, les grandes surfaces du secteur du bricolage. Ils s’appuient sur des arguments de continuité du service de santé en tant que débouché des services d’urgence les dimanches, et mettent en avant leur important stock de médicaments, là où certaines petites pharmacies de garde peuvent être en rupture.

Le vide juridique est d’autant plus complexe que les pharmacies dans leur ensemble sont soumises, de par leur activité de profession réglementée, au code de la santé publique. Celui-ci autorise les officines qui ne sont pas de garde à ouvrir le dimanche si elles ne sélectionnent pas leurs horaires, et donc ouvrent toute la journée. « Un texte qui était destiné à éviter les pharmacies dites “de marché”, qui ouvraient uniquement pendant les heures du marché », explique l’avocat Gérard Bembaron. Or, en pratique, ce texte est supplanté par une autre législation, issue du code du travail, qui prévoit que les préfets peuvent prendre des arrêtés pour interdire le travail dominical dans le secteur des pharmacies d’officine.

Situation inextricable

La situation est d’autant plus inextricable que les pharmacies ne savent pas si l’arrêté préfectoral prend le pas ou non sur la réglementation sur les ouvertures dominicales prévues dans la loi Macron, qui délimite des périmètres où les commerces, sans spécifier le secteur, peuvent ouvrir. « Certaines ne veulent pas se mettre à dos le ministère de la santé et embaucher une dizaine de personnes pour ouvrir leurs portes le dimanche, pour que, deux mois plus tard, des huissiers viennent constater qu’ils contreviennent à la loi », rapporte François Ehrhart, président du nouveau groupement.

L’enchevêtrement de lois donne une situation d’autant plus floue que certaines pharmacies, situées dans des rues très commerçantes, ouvrent leurs portes, mais à leurs risques et périls. Le groupement des pharmacies 24h/24 assure qu’il ne s’agit pas là que d’une question de gros sous.

Dans la pharmacie de M. Ehrhart, le dimanche était seulement le cinquième jour de la semaine en termes de chiffre d’affaires, lorsque, avant juillet 2016 et la mise en application de l’arrêté préfectoral en Seine-et-Marne, il ouvrait ce jour-là. C’est surtout, selon eux, une question d’équité, alors que, progressivement, de nombreuses enseignes de distribution (Fnac, les grands magasins…) ouvrent les unes après les autres.