Devant la préfecture de Cayenne, le 7 avril. | JODY AMIET / AFP

Un cap a été franchi, vendredi 7 avril, dans le mouvement de contestation démarré il y a plus de deux semaines en Guyane. Alors que la foule manifestait sa colère devant la préfecture, un commissaire de police a été « sérieusement blessé ». « On comprend vos revendications. Mais ce soir, ça part en live », a lancé un de ses confrères au mégaphone depuis la porte d’entrée du bâtiment officiel, barricadé.

Touché à la clavicule, l’homme est resté « inconscient au sol pendant une dizaine de minutes ». « On a été obligé d’utiliser du gaz lacrymogène pour l’extraire », avant qu’il ne soit évacué par les secours, a déploré Laurent Lenoble, directeur de cabinet du préfet de Guyane, à l’Agence France-Presse (AFP). D’autres officiers ont été « légèrement blessés » après avoir été rués de coups, selon lui.

Le collectif « Pou La Gwiyann dékolé » (Pour que la Guyane décolle) a « pris un tournant » qui est « loin de respecter les valeurs républicaines », a regretté M. Lenoble. Il s’est « discrédité », a-t-il ajouté. D’après un des membres du mouvement, qui organisait le rassemblement pour exiger la prise en compte de ses revendications, les « 500 frères contre la délinquance », un groupe dont les membres encagoulés encadrent les manifestations, « avait fait un cordon devant les policiers » : « Mais la foule a réussi à porter des coups. »

« C’est la faute de la France »

L’ambiance était devenue électrique, alors qu’une délégation ayant rendez-vous avec le préfet avait longuement patienté, avant d’être éconduite. « C’est du foutage de gueule. Il ne faudra pas pleurer après cela. C’est de la faute de la France », avait déclaré peu avant les incidents Mikaël Mancée, un porte-parole des « 500 frères », tandis que les esprits s’échauffaient. « On a compris qu’ils avaient l’intention d’investir la préfecture », a justifié Laurent Lenoble, pour qui les policiers n’ont commis « aucune provocation ».

« Nous venons chercher la discussion, et on nous amène les lacrymos », a de son côté vitupéré Dimitri Guard, un cadre du collectif. Et ce dernier de s’interroger : « Devant la préfecture, il y a beaucoup enfants. On ne peut déjà pas leur proposer d’éducation en Guyane. Est-ce qu’en plus il faut les gazer ? »

La Guyane connaît depuis deux semaines un mouvement social sur fond de revendications sécuritaires, sanitaires et éducatives. Alors que le conseil des ministres a validé mercredi une aide d’urgence de plus d’un milliard d’euros à destination du département d’outre-mer sinistré, « Pou La Gwiyann dékolé » réclame 2,1 milliards supplémentaires. « On ne peut pas aller au-delà et on n’ira pas au-delà », a répondu Laurent Lenoble. De nouvelles demandes devront être faites au prochain gouvernement, « qui aura cinq ans pour travailler ».

Le mouvement semblait être entré dans une phase de division, certains appelant au démantèlement des barrages érigés sur le territoire, alors que d’autres veulent aller « jusqu’au bout ». Une grève générale illimitée a été décrétée le 25 mars en Guyane. L’activité économique est depuis au point mort.

Comprendre la situation en Guyane en trois minutes
Durée : 02:59