Yannick Noah et ses joueurs célèbrent leur qualification en demi-finale, samedi 8 avril à Rouen. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Yannick Noah a « passé un super week-end ». Un « week-end parfait » même. « Comme quoi, on peut encore avoir la chair de poule, les larmes aux yeux. » A voir le grand sage du tennis français de 56 ans – qui s’y connaît pourtant en montées d’adrénaline – céder à la béatitude voire à l’ivresse, samedi soir 8 avril, après la qualification de l’équipe de France de Coupe Davis pour les demi-finales, on n’ose imaginer ce qu’il en serait si ses joueurs allaient au bout de leur épopée. Le saladier d’argent est encore loin mais déjà, plusieurs enseignements de bon augure peuvent être tirés après ce quart de final victorieux contre la Grande-Bretagne.

  • La France peut gagner sans « mousquetaires »

Certes, l’absence du numéro un britannique, Andy Murray (blessé au coude), s’est fait lourdement ressentir durant ce week-end et a simplifié la tâche des Français mais ces derniers étaient eux-mêmes privés de leurs numéros un et deux. En l’occurrence, Jo-Wilfried Tsonga (n° 10 mondial), excusé pour cause de paternité récente, et Gaël Monfils (n° 11 mondial), lui-même diminué par des blessures aux genou et tendon d’Achille gauches.

Pour la première fois depuis 2005, aucun « mousquetaire » n’était donc aligné. Richard Gasquet, s’il avait fait le déplacement à Rouen pour soutenir l’équipe, n’était pas en état de jouer, opéré de l’appendicite début mars. Quant à Gilles Simon, il figurait bien parmi les joueurs retenus par Yannick Noah, mais celui-ci lui a finalement préféré Jérémy Chardy. Le Palois n’avait pourtant plus joué en Coupe Davis depuis six ans, mais son niveau de jeu particulièrement convaincant sur la terre battue de Rouen a confirmé que Noah avait fait le bon choix.

Lucas Pouille et Jérémy Chardy – qui n’a toujours pas perdu un seul match en Coupe Davis – ont su parfaitement gérer la pression en remportant leur simple respectif vendredi. Quant à Nicolas Mahut, privé de son binôme Pierre-Hugues Herbert, lui aussi convalescent, il a démontré sa faculté de résilience en double, associé cette fois à Julien Benneteau.

  • Pouille s’impose comme un futur pilier

En l’absence du quatuor Tsonga-Monfils-Gasquet-Simon, le cadet de l’équipe, Lucas Pouille (23 ans) s’est retrouvé propulsé numéro un tricolore. Une ascension express. Il y a un an, il n’avait pas encore disputé la moindre rencontre de Coupe Davis… Le 17e joueur mondial a fait ses débuts en juillet 2016 face à la République tchèque, et affiche, en quatre rencontres, un bilan de trois victoires pour une défaite (en demi-finale en novembre face au Croate Marin Cilic).

Même s’il se défend d’avoir voulu « marquer des points » ce week-end pour s’assurer d’être sélectionné au tour suivant, Pouille a fait de la Coupe Davis une des priorités de sa saison. « Ce qui est sûr, c’est qu’à chaque fois que je serai dans cette équipe, je donnerai le meilleur de moi-même », a-t-il assuré samedi soir, après la qualification des Bleus.

« Ce n’est pas et ce ne sera jamais un sacrifice de représenter mon pays. Passer une semaine comme celle-là me procure énormément d’expérience et de confiance. Tous les conseils de Yann [Noah], Cédric [Pioline], Lolo [Courteau] et toutes les séances d’entraînement avec les autres joueurs, ça ne peut qu’être enrichissant et me permettre de progresser dans ma carrière individuelle. »

Un discours de disciple modèle qui ne peut que satisfaire le professeur Noah. Ce dernier a d’ailleurs rendu un hommage appuyé au joueur tout au long du week-end, citant en exemple son investissement. Un message adressé en creux aux élèves moins scrupuleux, qui feraient bien de s’en inspirer…

  • « Esprit Noah », es-tu là ?

Noah le répète à l’envi : la mission qu’il s’est fixée en reprenant les rênes de l’équipe de France est d’insuffler un « état d’esprit ». « L’esprit, il était fluctuant [ces dernières années], c’est pour ça qu’on n’a pas gagné depuis 2001. Là, il y avait cet état d’esprit cette semaine. J’essaie de trouver la clé. Si y’avait eu des réponses avant, je ne serais pas là. Je sais où je vais. »

Et que les joueurs ne s’aventurent pas à invoquer l’ambition de gagner un Grand Chelem pour zapper la Coupe Davis : « Chez nous [en France], y’a pas beaucoup de joueurs qui aujourd’hui peuvent dire : “Je veux gagner un Grand Chelem” [donc je refuse d’être sélectionné]. Y’a pas un garçon, pas une fille qui peut dire ça. Donc c’est un argument qui est faux. Par contre, pour des questions de calendrier et de prize money, ça, je comprends… »

A l’annonce de la victoire de la Serbie (face à l’Espagne), future adversaire des Bleus en demi-finale les 15, 16 et 17 septembre, Noah a émis sa petite idée quant à la surface qu’il choisira pour les recevoir : la terre battue extérieure. Comme ça, « pendant que Djokovic finit l’US Open, nous, on se prépare tranquillement sur terre battue ».

Reste à savoir si le numéro un serbe sera de la partie. « Tu sais quoi ? Si y’a pas Djoko, comme cette semaine y’avait pas Murray, j’en ai rien à foutre. Tant mieux ! », s’est emporté le capitaine. Avant de conclure sur une énième pirouette à la Noah, devant les journalistes : « Maintenant, les gars appelez les sorciers et j’espère que Djoko ne va pas venir ! »