Lors de la manifestation contre le gouvernement du président Nicolas Maduro, à Caracas, le 8 avril. | CARLOS BECERRA / AFP

Des dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel de l’opposition, samedi 8 avril, à Caracas, pour manifester contre le régime du président Nicolas Maduro. Dès 9 heures du matin, des personnes de tous âges et condition sociale se dirigeaient vers le point de rassemblement, sur l’avenue Francisco de Miranda, à Chacao, la City vénézuélienne. « Les Vénézuéliens en ont marre de ce gouvernement incompétent et corrompu », a expliqué au Monde la jeune étudiante Rosaura.

Beaucoup d’entre eux portaient des tee-shirts aux différentes couleurs des partis d’opposition : le jaune de Primero Justicia (Justice d’abord, centre gauche), dont le dirigeant Henrique Capriles Radonski a été privé de ses droits politiques, vendredi, une décision administrative de la Cour de comptes qui a suscité un tollé ; l’orange de Volonté populaire, l’organisation sociale-démocrate dont le chef Leopoldo Lopez purge une peine de quatorze ans dans une prison militaire ; le bleu d’Action démocratique, longtemps pilier de l’Internationale socialiste ; le vert des démocrates-chrétiens, dont le président Roberto Enriquez a été obligé de se réfugier à l’ambassade du Chili pour échapper à l’arrestation.

La plupart portaient les trois couleurs du drapeau national sur leur casquette. La diversité des teintes était perceptible aussi sur les visages, qui reflétaient toutes les nuances du métissage vénézuélien. Pauvres et classes moyennes, jeunes et seniors marchaient ensemble. L’ambiance était bon enfant, on arrivait souvent en groupe ou en famille.

Lors de la manifestation contre le gouvernement du président Nicolas Maduro, à Caracas, le 8 avril. | CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

On prenait des selfies à côté des porteurs des pancartes les plus imaginatives. Celui qui demandait un « changement sans kalachnikov » a été très sollicité. Un autre avait détourné une phrase célèbre, « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des Etats-Unis », et avait écrit : « Pauvre Venezuela, si loin de Dieu et si près de Cuba ». « No + dictadura » (Assez de dictature) disaient encore d’autres.

Plates-formes numériques d’information bloquées

Les principaux dirigeants de l’opposition étaient au rendez-vous, pour montrer leur solidarité contre la répression gouvernementale. « Je porte le Venezuela dans mon cœur. Jamais on ne pourra m’interdire de lutter pour changer notre pays », avait tweeté dans la matinée Henrique Capriles – son compte dispose de 6,5 millions de followers.

L’ancien candidat présidentiel frappé d’inéligibilité prétend parcourir toutes les localités du Venezuela. Les autorités ont bloqué plusieurs plates-formes numériques d’information, mais les nouvelles ont continué à circuler sur les réseaux sociaux.

Les manifestants étaient beaucoup plus nombreux que lors des deux précédentes mobilisations de cette semaine, mardi et jeudi. Comme d’habitude, le pouvoir avait fermé seize stations de métro et de nombreuses lignes de bus pour limiter l’afflux des opposants. Les rares minibus qui circulaient sur l’avenue Francisco de Miranda étaient bondés, avec des grappes humaines qui débordaient des portes.

Des partisans du président Nicolas Maduro, moins nombreux, étaient rassemblés sur l’avenue Bolivar, au centre-ville, dans la municipalité de Libertador, interdite aux opposants. Cette dernière abrite pourtant l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition depuis début 2016.

Gaz lacrymogènes, jets d’eau et balles en caoutchouc

En marge e la manifestation contre le gouvernement du président Nicolas Maduro, à Caracas, le 8 avril. | FEDERICO PARRA / AFP

Lorsque Henrique Capriles a appelé les manifestants à se rendre au siège du défenseur du peuple, qui ne remplit pas son rôle de défense des droits de l’homme, ils ont été bloqués par la police. Les gaz lacrymogènes, les jets d’eau et même des balles en caoutchouc ont été utilisés pour les réprimer, tandis que des hélicoptères survolaient sans cesse la manifestation pour les intimider et pousser à la dispersion.

Plus tard dans l’après-midi, la permanence de M. Capriles, à Bello Monte, périphérie de Caracas, dans l’Etat de Miranda dont il est le gouverneur, a été attaquée par les forces de sécurité, qui ont provoqué un début d’incendie.

Des mobilisations d’opposants ont également eu lieu en province, dans les Etats d’Aragua, Tachira, Nueva Esparta, Sucre, Lara et Carabobo.