« Elle, avec son cerveau plus étroit que son vagin, a osé me pardonner. […] Je rejette son pardon. » C’est par ces mots quelque peu fleuris que, le 30 mars, Stella Nyanzi a accueilli les propos de réconciliation de Janet Museveni, première dame et ministre de l’éducation de l’Ouganda, qui, sur la chaîne nationale NTV, avait réagi à un texte posté sur Facebook, la veille, par l’universitaire et opposante au régime. Un texte rédigé dans des termes également virulents et qui s’en prenait directement à Janet Museveni, la qualifiant notamment de « truie paresseuse ».

Cette publication lui avait valu, dès le lendemain, d’être suspendue de son poste à l’université Makerere. Mais la polémique a enflé toute la semaine et, de publications incendiaires en vidéos, Stella Nyanzi n’a cessé de s’en prendre à la première dame, mais aussi au président Yoweri Museveni. « Vous dites que je suis vulgaire, s’emporte-t-elle dans l’un de ses posts. Qu’est-ce qui est plus vulgaire qu’un président autorisant le vol de milliards [de shillings] d’argent public pour en faire bénéficier une poignée d’hypocrites ? » A la State House, la résidence présidentielle, on a modérément apprécié. Plus question de pardon.

Après une intervention publique effectuée lors d’une conférence organisée par le Rotary Club, le vendredi 7 avril dans la soirée, Stella Nyanzi a été arrêtée et menée à un poste de police. Sa prise de parole portait ce soir-là sur la nécessité de fournir des serviettes hygiéniques réutilisables aux jeunes filles, afin qu’elles n’abandonnent pas l’école. Beaucoup d’entre elles, en Ouganda, sont déscolarisées faute de moyens pour acheter ces protections. Sur ce sujet, Stella Nyanzi avait déjà sévèrement critiqué Janet Museveni pour avoir déclaré au Parlement qu’elle n’avait pas assez d’argent pour financer cette promesse électorale faite par son mari. La chercheuse avait alors lancé une collecte nationale pour fabriquer ces serviettes, un fait qui lui est également reproché.

Stella Nyanzi doit comparaître devant un tribunal, ce lundi 10 avril, pour harcèlement en ligne et communication offensante, ainsi que pour collecte d’argent pour une cause publique sans enregistrement préalable. Si sa libération sous caution est refusée, elle sera transférée à la prison de Luzira, où elle devra attendre la suite de son procès.

Hashtag #FreeStellaNyanzi

L’arrestation de Stella Nyanzi, très populaire en Ouganda, n’est pas restée inaperçue. Ses soutiens ont multiplié les appels à sa libération, sous les hashtags #FreeNyanzi ou #FreeStellaNyanzi. Très vite, Chapter Four, une ONG ougandaise de lutte pour les droits civiques, est également montée au créneau, fustigeant les charges retenues à l’encontre de l’universitaire. « Il s’agit vraiment d’une attaque contre la liberté d’expression, insiste son directeur, Nicholas Opiyo, mais aussi d’une tentative de protéger les membres de la famille présidentielle contre les critiques publiques. »

Selon lui, les propos de la chercheuse sont certes « peu communs » en Ouganda, « mais il s’agit d’une linguiste et d’une anthropologue », ajoute-t-il, évoquant même « des mots poétiques » pour qualifier son vocabulaire. Il s’insurge contre le fait qu’elle ait été détenue pendant trois heures sans avoir droit à un avocat, période durant laquelle « elle a perdu conscience ».

Stella Nyanzi n’en est pas à son premier affrontement médiatique avec les autorités. Il y a un an, elle avait déjà réagi à sa manière lorsque l’université avait voulu l’exclure. Dans une vidéo devenue virale, elle avait protesté avec force, hurlant et se montrant seins nus devant les caméras. Cette forme de démonstration, habituellement utilisée en Ouganda par les vieilles femmes, est très humiliante pour les personnes qui sont visées.