Au 85e congrès de l’UNEF, à Paris, dimanche 9 avril. | UNEF

Le cadre est inhabituel. Loin des amphis universitaires, c’est sous les dorures du chapiteau du Cirque d’hiver, à Paris, que les militants de l’UNEF se réunissent depuis samedi 8 avril, à l’occasion du 85e congrès du syndicat étudiant. Un congrès d’une tonalité particulière pour les 500 délégués venus de toute la France, alors que l’UNEF, pour ses 110 ans d’existence, vient de perdre sa place historique de première organisation étudiante. La FAGE l’a détrônée lors des élections du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), en février.

Mais à deux semaines de l’élection présidentielle, l’heure est avant tout à l’interpellation des candidats, alors que le sujet de la jeunesse est largement absent de la campagne. « La jeunesse réclame un droit à l’avenir, attaque en introduction la présidente, Lilâ le Bas, au centre de la piste blanche. Nous sommes dans une période charnière. Un quinquennat se clôt, les aspirations des jeunes se sont confrontées au mur de l’austérité. L’ascenseur social est bloqué. L’avenir est incertain. Que promet-on aux jeunes ? Un service militaire, un tri à l’entrée de l’université, une exclusion de la protection sociale… Aucun cadeau ne nous sera fait », alerte-t-elle, avant de rappeler les principales revendications du syndicat étudiant, comme l’allocation d’autonomie.

Le candidat socialiste, Benoît Hamon, est le premier à avoir fait le déplacement, dimanche, pour répondre aux questions des élus étudiants, tandis que des représentants d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon sont attendus lundi – l’équipe de François Fillon a finalement décliné l’invitation, pour des raisons d’agenda. Si l’UNEF ne prendra pas position pour un candidat ou un autre, elle se prépare à appeler à voter contre le FN, si Marine Le Pen se qualifie pour le second tour.

« Montrer à quoi sert le syndicalisme »

Au-delà de la scène politique, la réflexion sur l’avenir du syndicat, qui a perdu sa première place dans l’arène étudiante, alimente les débats des jeunes délégués. « Le contexte est difficile pour l’ensemble des organisations syndicales, avec un climat de défiance vis-à-vis des institutions, se défend la présidente, qui porte un texte d’orientation intitulé “Rebondir”. C’est une nécessité de revenir au b.a.-ba du syndicalisme en montrant à quoi ça sert, en portant une action au quotidien auprès des étudiants. »

Le quinquennat socialiste qui s’achève n’a pas été simple à gérer pour le syndicat de gauche. L’UNEF a eu du mal à imposer son leadership dans la mobilisation contre la loi travail au printemps 2016, et si le syndicat peut revendiquer d’avoir remporté le plan de 500 millions d’euros débloqué pour la jeunesse, la loi est tout de même passée. « Nous nous sommes retrouvés face à un gouvernement qui avait fait des promesses, mais a mis en place des politiques libérales et d’austérité », souligne la déléguée Rim Yehya, qui vient de l’université de Créteil et fait partie du bureau national. « 20 000 étudiants de moins ont voté aux dernières élections, il y a une résignation qu’on doit combattre », renchérit une autre déléguée cristolienne.

Dans le complexe jeu des lignes internes au sein de l’UNEF, ce congrès n’annonce pas de bouleversement des rapports de force : la tendance « majoritaire », actuellement aux manettes, représente ainsi 70 % des voix, à l’issue des votes des adhérents de toutes les sections locales qui ont eu lieu courant mars (contre 73 % il y a deux ans). En revanche, une poussée s’est produite sur l’aile gauche du syndicat. La tendance intitulée Unité et action syndicale (TUAS), identifiée comme proche des communistes, est passée de 14 % à 21 %, profitant de l’effondrement d’une autre petite « tendance », plus proche, elle, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), à 2 %, tandis qu’une quatrième ligne, plutôt réformiste, représente toujours plus de 7 % des forces. Une grille de lecture politique que tous les congressistes connaissent mais qui n’a plus véritablement de sens, assurent beaucoup de militants.

« Vision datée de l’étudiant politisé »

« Plus que la question des sensibilités politiques, c’est la manière de faire du syndicalisme qui est en jeu », souligne Maxime Bureau, de la tendance réformiste. « Nous sommes un syndicat indépendant des partis politiques », rappelle Lilâ le Bas. L’UNEF tente toujours de se départir d’une image de syndicat « à la remorque du PS », comme l’attaquent ses détracteurs, alors qu’elle fait figure de pouponnière pour une grande partie des cadres socialistes.

Pour Florian Cordier, grand gaillard barbu de 24 ans, responsable de la tendance en forte progression, la TUAS, c’est en effet d’abord l’organisation du syndicat et son fonctionnement interne qu’il faut faire évoluer de manière plus démocratique, en donnant une vraie place aux sections locales par rapport au national. « L’UNEF a un déficit de présence sur les campus, avec une vision datée de l’étudiant politisé. Ce n’est plus le cas. Il faut être plus proche des étudiants en recréant des solidarités, pour ensuite créer les conditions de la mobilisation », défend-il.

L’étudiant en information-communication prône une combativité plus forte pour s’opposer à la « logique libérale dans les universités ». Avec, pour lui, un sujet « brûlant » à discuter durant les débats internes qui vont se poursuivre jusqu’à mardi : déterminer l’action du syndicat sur la sélection en master. Si l’UNEF a signé, fin 2016, l’accord sur l’instauration de la sélection à l’entrée du master, avec la création d’un droit à la poursuite d’études, beaucoup craignent que ce droit ne soit caduc dans de nombreuses filières et que des étudiants restent sur le carreau, faute de places suffisantes.

« Quel que soit le futur gouvernement, la rentrée va être très difficile avec toujours plus d’étudiants qui arrivent à l’université, sans les moyens. Il va falloir une grande rentrée sociale, et ne pas faire l’erreur du dernier quinquennat, où nous avons été un peu atones au départ », espère-t-il. Une rentrée chaude qui est dans toutes les têtes : « Il va y avoir des débats agités à l’UNEF, comme toujours, sourit un délégué de l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Mais le plus important dans ce contexte, c’est de se mettre en ordre de bataille. »