Il n’y a que deux sujets qui semblent animer la campagne présidentielle de 2017 : les affaires et la mémoire. En février, Emmanuel Macron créait la polémique en déclarant que la colonisation représente « un crime contre l’humanité » ; Marine Le Pen en ouvre une nouvelle, aujourd’hui, à propos de la rafle du Vél’d’Hiv, qui a vu, le 16 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes français arrêter plus de 13 000 de leurs compatriotes, hommes, femmes et enfants juifs, pour le compte de l’occupant nazi. La plupart furent déportés dans des camps, en France puis en Allemagne, et ne revinrent jamais.

« C’est une faute grave ce qu’elle a fait »

« La France n’est pas responsable du Vél’d’Hiv, a assuré la candidate du Front national (FN) à l’élection présidentielle, dimanche 9 avril, dans le cadre de l’émission « le Grand Jury » RTL/LCI/Le Figaro. S’il y a des responsables, c’est ceux qui étaient au pouvoir à l’époque, ce n’est pas LA France. La France a été malmenée dans les esprits depuis des années. On a appris à nos enfants qu’ils avaient toutes les raisons de la critiquer, de n’en voir les aspects historiques que les plus sombres. Je veux qu’ils soient à nouveau fiers d’être Français. »

Des propos qui ont scandalisé certains adversaires de la présidente du parti d’extrême droite. « En niant la responsabilité de l’Etat français sur le Vél’d’Hiv, Marine Le Pen rejoint son père sur le banc de l’indignité et du négationnisme », a écrit sur Twitter le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi (Les Républicains). « D’aucuns avaient oublié que Marine Le Pen est la fille de Jean-Marie Le Pen, a réagi de son côté Emmanuel Macron sur BFM-TV. C’est une faute grave ce qu’elle a fait. » Et le candidat d’En marche ! de saluer, au contraire, Jacques Chirac, qui « avait justement pris ses responsabilités et eu un geste courageux ».

Le 16 juillet 1995, le président de la République de l’époque reconnaissait pour la première fois le rôle de la France et de l’Etat français dans la déportation. « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français, déclarait alors le chef de l’Etat à propos de la rafle. La France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux ». Jean-Marie Le Pen, à l’époque président du Front national, avait réagi à ces propos en déclarant que M. Chirac payait une « dette électorale » aux juifs, au lendemain de son élection comme président de la République.

Une posture « gaulliste »

Dans un communiqué, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a dénoncé, comme Christian Estrosi, le « révisionnisme » de Marine Le Pen. « La rafle du Vél’d’Hiv est un événement marquant de l’antisémitisme d’Etat du régime de Vichy. En réécrivant l’histoire, Marine Le Pen salit la mémoire des Français juifs déportés en raison de la politique antisémite et collaborationniste de l’Etat français », regrette l’association.

Consciente du caractère explosif du débat, Mme Le Pen n’a pas tardé à préciser sa pensée dans un communiqué, se rangeant, comme son vice-président Florian Philippot, dans une posture qu’elle veut « gaulliste ». « Comme Charles de Gaulle, François Mitterrand, ou encore de nos jours Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement, ou Nicolas Dupont-Aignan, je considère que la France et la République étaient à Londres pendant l’occupation, et que le régime de Vichy n’était pas la France », écrit la députée européenne pour justifier cette prise de position qui « n’exonère en rien la responsabilité effective et personnelle des Français qui ont participé à l’ignoble rafle du Vél’d’Hiv et à toutes les atrocités commises pendant cette période ». « L’instrumentalisation politique à laquelle se livrent aujourd’hui quelques personnalités politiques est indigne », ajoute la candidate frontiste.

De son côté, le député européen FN Bruno Gollnisch a réagi sur Twitter : « Le gouvernement de Vichy n’avait aucune latitude sur Paris, territoire occupé. C’est même pour cela qu’il s’était fixé à Vichy ! » Le charbon ne manque jamais pour nourrir une polémique.