Policiers aux abords de l’église copte de Tanta, après l’attaque du 9 avril. | MOHAMED ABD EL GHANY/ REUTERS

Editorial du « Monde ». Le double attentat qui a frappé, dimanche 9 avril, deux églises chrétiennes d’Egypte, tuant au moins 44 personnes, n’a malheureusement pas surpris la minorité copte : l’organisation Etat islamique (EI) avait annoncé qu’elle serait une cible privilégiée en revendiquant, le 15 décembre 2016, une première attaque qui avait fait 25 morts dans l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul du Caire.

En février, sept chrétiens ont été assassinés à Al-Arich, dans le nord du Sinaï. Deux mois plus tard, ni les cibles – deux églises pleines de fidèles, à Tanta et à Alexandrie – ni le moment – le dimanche des Rameaux, à trois semaines de la visite du pape François en Egypte – n’ont été laissés au hasard. C’est bien sur cette catégorie d’« infidèles », qui constitue 10 % des 90 millions d’Egyptiens et la plus grosse communauté chrétienne d’Orient, que l’organisation terroriste islamiste a choisi de s’acharner.

Cette sinistre stratégie ajoute au drame des coptes d’Egypte, déjà incités à l’exil par une discrimination généralisée. Agressions et incendies d’églises se sont multipliés depuis la destitution de l’ex-président islamiste Mohamed Morsi. Considérés par le pouvoir comme des « protégés » et non comme des citoyens égaux en droit, les coptes sont écartés des plus hautes fonctions régaliennes, dans l’armée, la police et la justice.

Le Vatican a confirmé le maintien de la visite du pape en Egypte, les 28 et 29 avril, pour un voyage qui se voulait celui « d’un pape de paix dans une Egypte de paix » : nul doute que les chrétiens de ce pays l’accueilleront avec une ferveur renouvelée. Il faut saluer ce volontarisme du pape François, dans un contexte aussi difficile.

Etat d’urgence

Au-delà de la tragédie des chrétiens d’Orient, les attentats de Tanta et d’Alexandrie signent l’échec flagrant des tentatives du président Abdel Fattah Al-Sissi de stabiliser le pays dont il a pris les rênes en juillet 2013, à la faveur d’un coup d’Etat militaire. La voie ultrarépressive choisie par le maréchal pour restaurer le calme et relancer l’économie, après deux années de chaos révolutionnaire, a abouti au résultat inverse de celui recherché.

La péninsule désertique du Sinaï, haut lieu de trafics et de lutte contre le centralisme cairote, s’est transformée en foyer d’incubation d’une des franchises les plus redoutables de l’EI. Peu à peu, le mouvement a essaimé vers l’ouest, en perpétrant des attaques dans la zone du canal de Suez, et aujourd’hui dans la vallée du Nil et à l’intérieur du Caire, les deux régions les plus peuplées du pays.

L’Egypte tout entière est désormais confrontée à une menace multiforme, qui se traduit à la fois par des actions de guérilla contre les forces de sécurité, des opérations sophistiquées visant le secteur touristique, comme l’explosion du vol Charm El-Cheikh-Saint-Pétersbourg, en octobre 2015, et des tueries de masse comme celles d’Alexandrie et de Tanta.

Face au fléau du terrorisme islamiste, qui touche aussi bien les pays arabes que leurs voisins occidentaux, personne n’a trouvé la formule miracle. Après tout, l’état d’urgence que vient de proclamer M. Sissi est toujours en vigueur en France – sous une forme, certes, beaucoup moins draconienne.

Il n’en reste pas moins que l’embastillement généralisé de l’opposition, islamiste ou non, et la mise au pas de la société civile égyptienne ne favorisent pas ce nécessaire combat, au moment où le défi lancé par l’EI impose au contraire que la population fasse bloc autour d’un pouvoir fort.