Au lendemain des trois explosions qui ont visé le bus de l’équipe de football du Borussia Dortmund, blessant un joueur et un policier quelques minutes avant le quart de finale de la Ligue des champions qui devait opposer le club allemand à l’AS Monaco, mardi 11 avril, les enquêteurs n’ont pas de doute sur la nature « terroriste » de l’attaque. Mais ils restent très prudents sur son origine.

Si le parquet fédéral allemand a annoncé, mercredi après-midi, avoir identifié « deux suspects appartenant à la mouvance islamiste », dont l’un a été interpellé, des sources proches de l’enquête se disent en effet troublées par trois textes retrouvés sur place.

A leurs yeux, ces trois textes, où sont notamment réclamés le départ des avions de reconnaissance allemands Tornado déployés dans le cadre de la coalition contre l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie, ainsi que la fermeture d’une base de l’OTAN située en Rhénanie, ne correspondent pas, en raison de leur orthographe soignée et de certains termes allemands qui y sont employés, aux écrits habituels des djihadistes. La signature, en outre, ressemble peu à celle de l’EI, qui revendique généralement ses attentats par la voie de communiqués et non en semant des indices de cette nature.

Comme lors des précédents attentats, les autorités allemandes ont choisi de communiquer avec parcimonie. A commencer par la chancelière, Angela Merkel, dont le porte-parole s’est contenté de dire, mercredi, lors de la conférence de presse qui se tient chaque semaine après le conseil des ministres, qu’elle était « horrifiée » par cet « acte odieux ».

Fraternité

La volonté de ne pas céder à la panique a expliqué la décision qui a été prise, dès mardi soir par l’UEFA, en accord avec les autorités allemandes, de reporter la rencontre au lendemain. Celle-ci a donc eu lieu, mercredi en fin de journée, dans une ambiance de fraternité entre les deux équipes. 

Avant le match, le speaker a ainsi « remercié » les supporteurs monégasques pour leurs gestes de solidarité de la veille, tandis que ces derniers - qui pour certains ont été hébergés par leurs homologues allemands - ont acclamé le Borussia en retour. Au coup de sifflet final (3-2 pour Monaco), les deux équipes se sont congratulées dans le rond central, sur fond de « Dortmund ! Dortmund ! » clamés par les supporteurs monégasques...

Après le match, l’entraîneur du Borussia, Thomas Tuchel, a toutefois vertement critiqué la décision de l’UEFA de n’avoir accordé à ses joueurs qu’un délai de vingt-deux heures avant de disputer la rencontre. « Après l’attaque, nous aurions aimé avoir plus de temps pour digérer tout cela. Nous nous sommes sentis ignorés. On ne nous a pas demandé notre avis. Quelques minutes après l’attaque, on nous a dit qu’on devrait jouer, comme si on nous avait envoyé une canette de bière contre le bus », a-t-il déploré.

« Nous ne devons pas nous laisser intimider »

Interrogé par le quotidien Bild sur l’opportunité de reporter le match de seulement une journée alors que les enquêteurs n’ont pas la certitude que l’homme interpellé soit l’auteur de l’attentat, le ministre de l’intérieur allemand, Thomas de Maizière, a justifié cette décision : « Nous ne devons pas nous laisser intimider. Sinon les terroristes ont déjà gagné », a déclaré le ministre, présent mercredi à Dortmund pour assister au match.

Hans-Joachim Watzke, le président du Borussia Dortmund (à g.) et Thomas de Maizière, ministre de l’intérieur avant le match Dortmund-Monaco, le 12 avril. | KAI PFAFFENBACH / REUTERS

« La police ici fait un très bon travail et je la remercie », a par ailleurs déclaré M. de Maizière, avant de lister les mesures prises, ces derniers mois, pour renforcer la lutte contre le terrorisme, mais tout en rappelant que « la sécurité absolue n’existe pas ».

La portée politique du message n’a échappé à personne à un mois des élections régionales en Rhénanie-du-Nord-Palatinat, un Land dont les services de sécurité et de renseignement ont été accusés d’avoir sous-estimé la dangerosité d’Anis Amri, l’auteur de l’attentat commis au nom de l’EI contre un marché de Noël, à Berlin, le 19 novembre 2016, qui a tué douze personnes et en a blessé une cinquantaine.