Un prêtre à la mosquée. Une scène fréquente à Dori, « la capitale du Sahel burkinabé », comme on surnomme cette commune à partir de laquelle se dressent les dunes de sables du nord-est du pays. Ce lundi 20 mars, le père Paul Ramdé est attendu. Sous le vaste hangar de tôle ombrageant la cour de la grande mosquée, une dizaine de musulmans entament la prière. Le père Ramdé se fraye une place sur les nattes et tapis couvrant l’asphalte et tend les paumes vers le ciel, lui aussi.

Présentation de notre série : Le Burkina Faso à l’épreuve du terrorisme

Catholiques, musulmans… Ici, pas de distinction, bien au contraire. Les deux communautés religieuses se sont alliées. Depuis 1969, l’Union fraternelle des croyants (UFC) de Dori regroupe 25 catholiques et 25 musulmans, sous la présidence actuelle de Paul Ramdé. « La recherche de Dieu diffère en fonction des religions, mais nous avons tous le même objectif : gagner la paix. Cette différence est une richesse dont nous devons parler afin de mieux vivre ensemble », dit l’imam de la grande mosquée.

Des mots qui pèsent lourd

Sur son tapis de prière rouge et or, Mamoudou Yaya Cissé entame le dialogue. Comme chaque mois depuis bientôt cinquante ans, l’UFC se réunit pour échanger, débattre et trouver des solutions afin de préserver le dialogue interreligieux. Avec la montée de la menace terroriste dans le nord du Burkina Faso, ces assemblées sont devenues une nécessité pour les membres de l’UFC.

« Ces gens qui mettent l’islam en avant pour faire leur guerre sont des menteurs »

Depuis 2015, une vingtaine d’attaques ont été perpétrées le long de la frontière malienne, entraînant la mort de plus de 70 personnes, selon le ministère de la sécurité. Des événements qui ont injustement braqué les projecteurs sur les musulmans. « Depuis ces attaques, on fait de la sensibilisation lors des prêches, afin que tout le monde sache que la religion, ce n’est pas la guerre. Ces gens qui mettent l’islam en avant pour faire leur guerre sont des menteurs », explique calmement Mamoudou Yaya Cissé.

A sa droite, Paul Ramdé acquiesce. Dans la région du Sahel, plus de 95 % de la population est de confession musulmane, selon les chiffres de l’UFC. Les mots des imams pèsent lourd et ont une grande influence sur les fidèles. Alors l’union communique, inlassablement, ses messages de paix pour toucher un maximum de croyants.

Mais l’UFC n’existe qu’à Dori et Gorom-Gorom, une commune située un peu plus au nord. « A Djibo, là où la menace terroriste est concentrée, il n’y a pas d’organisation qui permette aux différentes communautés religieuses de se réunir pour parler. Ça ne facilite pas les choses… » regrette Paul Ramdé. Aujourd’hui, la menace est trop grande pour permettre à l’UFC d’y implanter une antenne.

Cinq écoles de la paix

Déjà en 2014, l’UFC de Gorom-Gorom a dû suspendre une de ses activités à cause de l’insécurité persistante au Mali voisin. Tous les deux ans, des jeunes catholiques et musulmans sillonnaient pendant quelques jours les pays limitrophes à bord d’un bus. « L’objectif de cette caravane pour la paix était de montrer que le dialogue entre les religions est possible. Mais nous avons dû arrêter, les jeunes étaient trop exposés », soupire Monseigneur Carlos, président de l’UFC de Gorom-Gorom.

« Mais nous avons créé des Dudal Jam », complète Paul Ramdé. En fulfuldé, la langue de l’ethnie peul, « Dudal Jam » signifie « école de la paix ». Aujourd’hui, cinq centres disséminés dans le pays permettent aux jeunes volontaires d’apprendre et d’échanger autour des notions de paix, de tolérance et de différence.

« Il faut que nous continuions à nous parler, à nous concerter », poursuit l’imam. Les mains posées sur son boubou bleu aux bordures d’or, il se lève, après avoir répété une dernière fois son message : « Seul le dialogue et l’information permettront de prévenir les violences. » Le soleil est au zénith, il est temps de clore la réunion : 13 heures approche, l’heure pour les musulmans d’aller prier.

Le sommaire de notre série « Le Burkina Faso à l’épreuve du terrorisme »

Dans le nord du Burkina Faso, pays longtemps épargné par le phénomène, la population vit désormais sous la menace djihadiste. Reportages et analyses.

Et notre présentation de la série : Le Burkina Faso à l’épreuve du terrorisme