Un drapeau européen porté par un des participants au rassemblement contre la politique du premier ministre Viktor Orban, devant le Parlement hongrois, le 12 avril. | ATTILA KISBENEDEK / AFP

Lois controversées sur la détention systématique de migrants ou encore législation sur les universités… La politique menée par le premier ministre hongrois, Viktor Orban, est dans le viseur de la Commission européenne. Lors de sa réunion hebdomadaire, mercredi 12 avril, l’exécutif européen s’est penché sur une série de réformes ainsi que sur un projet d’encadrement du financement « étranger » des ONG, qui ont jeté un froid entre Bruxelles et le souverainiste Orban.

Ces « développements ont soulevé l’inquiétude générale quant à leur compatibilité avec le droit de l’Union européenne et les valeurs communes sur lesquelles l’UE est basée », a rappelé la Commission. Cette dernière estime qu’à ce stade, il n’existe « pas de menace systémique pour l’Etat de droit en Hongrie », selon les termes de son son vice-président Frans Timmermans. Toutefois, l’instance, garante des traités et de l’application du droit au sein de l’UE, pourrait lancer dès la fin du mois des procédures d’infraction à l’encontre de Budapest.

Celles-ci prévoient qu’en dernier ressort, la Commission peut renvoyer un Etat membre devant la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’elle tranche le différend. Mais les marges de manœuvre pour amener le dirigeant hongrois à infléchir sa politique sont étroites, comme le montre l’impasse dans laquelle se trouve la procédure engagée par Bruxelles contre la Pologne après sa réforme du Tribunal constitutionnel.

Dans une réaction transmise à l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement hongrois a déclaré « être prêt à débattre, mais pas à céder d’un pouce sur le sujet de l’immigration », jugeant que ce dossier est à l’origine des « attaques [de Bruxelles] contre la Hongrie ».

« Une guerre civile froide s’est installée »

Le même jour, plusieurs milliers de personnes ont de nouveau défilé à Budapest, après le rassemblement massif de dimanche de quelque 60 000 à 80 000 Hongrois. Les manifestations, devenues quotidiennes dans la capitale depuis l’adoption de la loi contre l’université CEU fondée par George Soros, ne semblent avoir qu’un poids très relatif. Elles sont pourtant le signe d’une évolution dans le pays.

Tailleur bleu, croix autour du cou, Katalin Lukacsi vient de démissionner du Parti chrétien-démocrate (KDNP), allié au premier ministre, car elle n’accepte plus la dérive de son camp. « Voir marcher les gens pour la liberté des ONG et des universités, je trouve cela formidable, » explique-t-elle au Monde alors que 10 000 personnes battaient encore le pavé ce mercredi.

Après sept années « d’orbanisme », une frange toujours plus importante de la population semble en colère et affiche son ras-le-bol. Une vidéo d’Arpad Schilling, l’un des plus célèbres metteurs en scène du pays, demandant à M. Orban d’arrêter de « prendre les gens pour des cons » a été vue plus de 1 million de fois sur Internet, dans un pays qui compte moins de 10 millions d’habitants. Et ce dernier d’analyser :

« Une guerre civile froide s’est installée. Entre les électeurs de Viktor Orban et les autres, on ne parle plus la même langue. Notre sentiment d’impuissance pousse ses opposants à protester, même si on sait qu’il n’y a personne pour canaliser ce mouvement. »