Le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, à Washington, le 3 avril 2017, lors d’une rencontre avec des policiers et pompiers. | JONATHAN ERNST / REUTERS

La tradition veut que les présidents américains ne s’expriment guère sur le cours du dollar face aux autres devises. Le tonitruant Donald Trump, pas du genre à respecter les codes de la Maison Blanche, n’en a que faire : début janvier, à peine élu, il a fait savoir qu’il jugeait le billet vert trop élevé. Mercredi 12 avril, dans un entretien au quotidien financier Wall Street Journal, le chef de la Maison Blanche a remis le sujet sur la table. « Je pense que le dollar devient trop fort et que c’est en partie ma faute, parce que les gens ont confiance en moi », a-t-il lancé, considérant que cela pénalisait les entreprises américaines face à leurs concurrents étrangers. « Avoir un dollar fort a de bons côtés mais, en règle générale, le meilleur, c’est que ça a de l’allure », a-t-il ironisé.

Virage à 180°

Le président américain semble découvrir le fonctionnement des marchés monétaires à mesure qu’il se plonge dans les dossiers. Lui qui, pendant sa campagne, conspuait la politique expansionniste de la Réserve fédérale (Fed), dont il rêvait de réduire l’indépendance, a opéré un virage à 180° sur le sujet. « J’aime beaucoup une politique de taux bas, je dois être honnête avec vous », a-t-il confié. Lui qui ne cachait pas son mépris pour Janet Yellen, la présidente de la banque centrale, a déclaré qu’il n’excluait désormais plus de renouveler son mandat, qui prend fin en février 2018. « Je l’apprécie, je la respecte », a-t-il assuré.

Dans la foulée de ses propos, le dollar est un peu descendu face à l’euro et à la devise nippone, tombant à 109 yens, son niveau le plus bas depuis mi-novembre. Propulsé à un record de près de 15 ans après l’élection de M. Trump, le billet vert a depuis baissé face à la plupart des monnaies. Est-ce grâce aux déclarations du président ? Pas vraiment.

Pour le comprendre, il convient de se remémorer la vague d’euphorie boursière qui a accompagné l’arrivée à la Maison Blanche du milliardaire décomplexé. Sa promesse d’un plan de relance massif et de baisses d’impôts pour les plus riches a littéralement électrisé les marchés américains. Face aux perspectives d’une inflation plus forte et d’une croissance stimulée, le dollar s’est raffermi face aux autres devises.

Mais la rutilante mécanique de relance promise par M. Trump s’est vite enrayée. D’abord, il n’est pas parvenu à refondre l’Obamacare, la loi de santé adoptée par son prédécesseur, qu’il avait promis de démanteler. « Après cet échec, il aura du mal à recueillir l’approbation des républicains sur sa réforme fiscale ou sur son plan de dépenses infrastructures, dont le financement ne peut plus être assuré par les économies escomptées sur la santé », détaille Véronique Riches-Flores, économiste indépendante, dans une note sur les Etats-Unis.

« Peau de chagrin »

Sans les économies sur l’Obamacare, la grande baisse des impôts promise, à hauteur de 800 milliards d’euros sur dix ans, n’aura donc pas lieu, estime-t-elle. Ou alors, sous une forme bien moins ambitieuse. Tout comme le plan de relance, qui n’atteindra probablement pas l’ampleur initialement prévue. Avec un déficit public à 5 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2016 et une dette publique culminant à 105 % du PIB, le locataire du bureau Ovale ne dispose guère de marges de manœuvre.

C’est peut-être une bonne nouvelle. Appliqués alors que l’économie américaine est déjà au plein-emploi (le taux de chômage atteint 4,7 % seulement) et probablement arrivée en fin de cycle (la reprise a démarré il y a sept ans), le plan de relance massif et le choc fiscal annoncés auraient vraisemblablement déclenché une flambée de l’inflation et du dollar.

L’un des nombreux paradoxes de M. Trump est qu’en ne tenant pas la totalité de ses promesses, il évitera que le billet vert ne soit trop fort face aux autres devises. « A choisir, un “Donald Trump peau de chagrin” est assurément meilleur pour l’économie américaine que sa version originale », conclut Mme Riches-Flores.