Après le largage de la bombe GBU-43/B, le 14 avril. | NOORULLAH SHIRZADA / AFP

Les Etats-Unis ont annoncé avoir largué, jeudi 13 avril, en Afghanistan, la plus puissante bombe non nucléaire jamais utilisée dans des combats, contre un groupe d’insurgés ayant fait allégeance à l’organisation Etat islamique (EI). Selon un porte-parole du Pentagone, l’engin de 9 tonnes – la GBU43/B, surnommée « mère de toutes les bombes » – était destiné à détruire des souterrains utilisés par les djihadistes dans la province de Nangarhar, dans l’est de l’Afghanistan et a tué 36 combattants de l’EI. Le Pentagone a écarté d’éventuelles victimes civiles dans cette région reculée, où un soldat des forces spéciales américaines avait été tué le 8 avril.

Une semaine après le bombardement d’une base aérienne présumée avoir été utilisée par le régime syrien dans l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, Donald Trump envoie un nouveau message avec l’usage de cette arme, d’un coût de 15 millions d’euros l’unité et jamais utilisée depuis sa mise au point en 2003. Il réaffirme, à l’attention de ceux que la frappe visant l’armée d’Assad a pu troubler, que la lutte contre les mouvements djihadistes reste sa priorité. Il fait aussi la démonstration de son absence d’états d’âme quant à l’usage de la force et de moyens inédits. Un message destiné notamment à la Corée du Nord, dont les velléités nucléaires et balistiques inquiètent Washington. L’Iran est aussi dans le collimateur.

« Terrain d’essai »

« Ce n’est pas la guerre contre la terreur, mais l’utilisation abusive, inhumaine et brutale, de notre pays, comme terrain d’essai pour de nouvelles armes dangereuses », a protesté l’ex-président afghan Hamid Karzaï. La dimension de communication du bombardement américain de jeudi est d’autant plus forte que l’EI n’est pas la première menace en Afghanistan. Selon l’OTAN, le groupe, formé d’anciens talibans dissidents, disposerait de 600 à 700 combattants dans 2 ou 3 districts de la province de Nangarhar, et de 200 à 300 combattants dans la province voisine de Kunar. « La menace de Daech diminue en Afghanistan, mais elle constitue un facteur important de notre présence dans le pays », affirme le capitaine Bill Salvin, porte-parole de la mission de l’OTAN en Afghanistan. Au cours des deux dernières années, l’EI aurait perdu en Afghanistan, toujours selon l’OTAN, les deux tiers de son territoire et la moitié de ses combattants.

Sa présence sur le terrain s’est réduite sans toutefois entamer sa force de frappe terroriste. L’EI a revendiqué une attaque suicide à Kaboul, qui a tué 5 habitants le 12 avril. Il avait revendiqué une attaque-suicide en juillet 2016 visant un défilé pacifique de la minorité chiite hazara à Kaboul, qui avait fait 80 morts et 231 blessés. Sur les 6 994 victimes civiles blessées ou tuées par les insurgés en 2016, 899 ont été attribuées à l’EI, selon le décompte de la Mission d’assistance des Nations unies à l’Afghanistan, un bilan dix fois supérieur à celui de 2015. L’irruption de l’EI dans le paysage insurrectionnel afghan risque de réveiller un antagonisme sectaire sunnites-chiites dans un pays qui en était jusque-là relativement préservé.

Le largage de la bombe américaine est intervenu à la veille d’une conférence internationale sur l’Afghanistan, vendredi 14 avril, à Moscou, regroupant, outre l’Afghanistan et la Russie, l’Iran, l’Inde, le Pakistan, la Chine et des pays d’Asie centrale pour trouver une issue au conflit. Les Etats-Unis ont décliné l’invitation à y participer. L’émissaire russe en Afghanistan et au Pakistan, Zamir Kaboulov, avait déclaré en décembre 2015 que les objectifs des talibans « coïncidaient » avec ceux de Moscou dans la lutte contre l’EI, afin de justifier une reprise du dialogue avec les talibans. Mais leur donner influence et légitimité revient à les soutenir, affirme l’OTAN, qui s’oppose à toute discussion avec eux hors du cadre des négociations exclusives avec le gouvernement de Kaboul. « Les talibans ne combattent pas l’EI mais veulent seulement protéger leurs axes d’approvisionnement », ajoute Bill Salvin.